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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/28

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sion d’une partie de sa fortune, que les exécuteurs testamentaires ne pouvaient lui enlever (ce qu’il avait l’habitude de répéter tous les soirs à M. Feeder pendant les derniers six mois de son séjour dans la maison, et toujours comme une nouvelle toute fraîche), M. Toots, dis-je, s’appliqua tout entier et avec ardeur à la science de la vie. Brûlant du désir de fournir une carrière brillante et distinguée, M. Toots s’était mis dans ses meubles. Une chambre de son appartement était spécialement destinée au turf. Il l’avait ornée des portraits des chevaux vainqueurs à la course, sans s’y intéresser pourtant le moins du monde, et y avait placé un divan pour y reposer ses airs nonchalants. Dans cette délicieuse retraite, M. Toots se livrait à la culture de ces arts d’agrément destinés à adoucir et à policer les mœurs. Son maître par excellence était un personnage intéressant nommé Coq-Hardi, fort en réputation à la taverne du Blaireau noir.

Dans la saison la plus chaude de l’année, il portait une redingote blanche à long poil, et sous le prétexte d’enseigner l’art de la boxe à M. Toots, il lui administrait des coups de poing sur la tête trois fois la semaine pour la bagatelle de douze francs par leçon.

Ce Coq-Hardi, le dieu des arts pour M. Toots, lui procura un garçon de café pour lui apprendre le carambolage, un grenadier pour lui apprendre l’escrime, un maquignon pour lui apprendre l’équitation, un gentleman de Cornouailles pour lui apprendre la lutte et la savate ; enfin deux ou trois autres individus du même genre, tous également familiers dans la connaissance des beaux-arts. Sous de tels auspices, M. Toots ne pouvait manquer de faire des progrès rapides, et ce fut sous leurs yeux qu’il se mit à l’œuvre.

Les choses allaient leur train ; mais tous ces messieurs avaient beau briller à ses yeux du vernis de la nouveauté, Toots, sans trop savoir pourquoi, se sentait inquiet et mal à l’aise. Sa vie désœuvrée n’était pas exempte de soucis : au bon grain se mêlait une ivraie que Coq-Hardi lui-même ne pouvait déraciner de son cœur. Il était en proie à des vautours cruels, dont Coq-Hardi lui-même ne pouvait triompher.

Rien ne paraissait faire autant de bien à M. Toots que d’aller sans cesse à la porte de M. Dombey pour y déposer des cartes. Dans tout le royaume de la Grande-Bretagne, ce royaume immense où le soleil ne se couche jamais, ni les percepteurs non plus, il n’y avait pas un percepteur de taxes