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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/77

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— Oui ? dit le capitaine d’un air mystérieux, et pourquoi cela, mon garçon ?

— Pourquoi, répliqua Robin en regardant partout, c’est que je ne vois plus ses affaires à barbe ; je ne vois pas non plus ses brosses, ni ses chemises, ni ses souliers. »

À mesure que chacun de ces articles était passé en revue par le protégé de M. Carker, le capitaine examinait, de son côté, les membres du rémouleur, auxquels chacun de ces objets disparus pouvait servir, pour voir s’il n’en avait pas fait usage depuis peu, ou s’il ne les avait pas sur lui, en possession illégitime. Mais il n’y avait pas lieu pour Robin de se faire la barbe ; d’un autre côté, il était évident qu’il ne se brossait pas ; quant aux vêtements qu’il portait, ils étaient si usés qu’il n’y avait pas de méprise possible.

« À quelle heure, dit le capitaine, supposes-tu qu’il a pris la fuite ? Surtout attention ! hein !

— Capitaine, je pense, dit Robin, qu’il aura dû partir quelques instants après mon premier sommeil.

— Quelle heure était-il ? dit le capitaine tenant à connaître l’heure précise.

— Comment puis-je vous le dire, capitaine, répliqua Robin. Tout ce que je sais, c’est que mon premier sommeil est toujours profond, mais que le matin j’ai le sommeil plus léger. Si M. Gills avait traversé la boutique au point du jour, n’eût-il marché que sur la pointe des pieds, je suis sûr que je l’aurais toujours bien entendu fermer la porte. »

Après avoir mûrement pesé ce témoignage, le capitaine commença à croire que l’opticien devait être parti de son plein gré. La lettre qui lui était adressée l’aida beaucoup à tirer cette conclusion ; car cette lettre, qui était incontestablement écrite de la main du vieux Sol, laissait deviner, sans beaucoup de difficulté, qu’il s’était décidé de lui-même à partir, et que, dans le fait, il était parti. Restait au capitaine à chercher où et pourquoi. La première question paraissait insoluble, vu qu’il n’avait pas de données suffisantes. Il se borna à l’examen du second point.

Le capitaine se souvenait de la conduite étrange du vieillard, la dernière fois qu’il l’avait quitté ; de cet adieu qu’il lui avait fait avec une émotion fiévreuse qu’il ne comprenait pas alors, mais qu’il s’expliquait maintenant : tout cela lui fit craindre que le pauvre Sol, accablé par ses inquiétudes et par ses regrets de la perte de Walter, n’eût été poussé à commettre