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Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 2.djvu/226

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L’AMI COMMUN.

fois pour donner plus de force à ses paroles, mon post-scriptum répond à votre désir. Je ne viens pas vous demander votre concours ; mais, au contraire, la plus stricte neutralité. »

Voyant qu’il va répondre, elle détourne les yeux, sachant que ses oreilles suffiront pour recevoir le contenu de ce faible vase.

« Je ne crois pas, réplique Twemlow d’une voix tremblante, pouvoir refuser la communication que vous me faites l’honneur de désirer me faire. Mais si je peux vous le demander, en y mettant toute la délicatesse possible, je vous supplie, madame, de vouloir bien rester dans les limites que vous avez posées vous-même.

— Vous vous rappellez, monsieur, reprend-elle en intimidant le petit gentleman par la dureté de ses manières, que je vous ai confié certaine chose, avec mission d’en faire part à qui de droit, si vous le jugiez convenable.

— Ce que j’ai fait, dit Twemlow.

— Et ce dont je vous sais gré, bien que je me demande comment j’ai pu trahir mon mari pour cette petite, qui au fond n’est qu’une sotte. J’ai été simple comme elle autrefois, c’est probablement la raison. »

Voyant l’effet que produisent sur le doux vieillard son rire sec et son regard froid et perçant, elle continue sur le même ton. « S’il vous arrivait, monsieur, de trouver mon mari et moi investis de la confiance d’une personne quelconque, serait-ce une de vos connaissances, peu importe, vous n’auriez pas le droit de faire usage contre nous du secret qui vous a été confié pour un objet spécial. Voilà, monsieur, tout ce que je voulais vous dire : ce n’est pas une condition que je vous impose ; c’est une promesse que je vous rappelle. »

Twemlow porte sa main à son front, en se murmurant quelque chose à lui-même.

« M’étant confiée à votre honneur, le fait est bien simple, continue missis Lammle, tellement simple que je n’ajouterai pas un mot ; votre silence m’est acquis. »

Sophronia le regarde jusqu’à ce que, haussant les épaules, il lui fasse un petit salut de côté qui signifie : vous pouvez compter sur moi. Elle s’humecte les lèvres, et paraît éprouver un certain soulagement. « J’ai promis de ne rester que deux minutes, et ne veux pas vous retenir davantage.

— Un moment ! dit Twemlow en se levant avec elle. Veuillez m’excuser, madame : je ne vous en aurais jamais parlé ; mais, puisque vous-même vous me rappelez cette affaire, permettez-moi de vous dire toute ma façon de penser. Était-il conséquent, après la mesure que vous avez cru devoir prendre contre mister