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Page:Dickens - L'embranchement de Mugby, 1879.djvu/47

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plus belles années s’étaient peu à peu flétries. Cet infortuné était à son tour accompagné d’une jeune fille, sa fiancée, et d’un ami. Un jour, l’ami et la jeune fille avaient disparu. Sa fiancée était devenue la femme de celui qu’elle lui avait préféré. Tout autour se déroulait, avec un cliquetis discordant, une longue chaîne de soucis pénibles, de sombres rêveries, de désappointements cruels, d’années nombreuses et monotones ; la douloureuse kyrielle enfin d’une existence solitaire, privée de toutes les joies de ce monde au moment où elle avait cru pouvoir les saisir.

« À vous, monsieur ? »

À cette brusque interpellation, le voyageur détourna les yeux du vide qu’ils suivaient, et recula d’un pas ou deux, peut-être moins à cause de sa surprise qu’à cause du rapport qu’avait cette subite question avec la pénible vision qu’elle venait de faire disparaître.

« Oh ! j’avais une distraction ! Oui, oui, ces deux portemanteaux sont à moi. Êtes-vous l’un des porteurs ?

— J’ai les gages d’un porteur, monsieur, mais je suis le préposé aux lampes. »

Le voyageur n’eut pas l’air de comprendre.

« Que dites-vous que vous êtes ?

— Le préposé aux lampes, monsieur, répondit l’homme,