Aller au contenu

Page:Dickens - L'embranchement de Mugby, 1879.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Je tenais pour certain que vous vous seriez défiée de moi.

— Vous teniez cela pour certain, monsieur ? Avez-vous donc toujours inspiré tant de méfiance ?

— Il me semble que je peux en toute justice vous répondre affirmativement ; mais c’est peut-être un peu ma faute, car je n’ai pas moi-même été trop confiant ; en tout cas, cela importe peu en ce moment. Nous parlions de l’embranchement l’autre jour, j’y ai passé des heures depuis avant-hier.

— Êtes-vous donc, maintenant, le voyageur pour quelque part ? lui demanda-t-elle en souriant.

— Oui, bien certainement ; mais pour où, je l’ignore. Vous ne devineriez jamais ce que je cherche à fuir en voyageant ainsi. Vous le dirai-je ? Eh bien, je cherche à fuir l’anniversaire de ma naissance. »

Les mains de Phœbé s’arrêtèrent dans leur travail, et elle fixa ses regards sur lui, avec une surprise incrédule.

« Oui, reprit Barbox frères, assez mal à son aise sur son siège, ce que je vous dis est vrai, je fuis mon anniversaire. Je suis à moi-même un livre inintelligible dont les premiers feuillets ont été arrachés et jetés au vent. Mon enfance n’a eu aucune des grâces de cet âge heureux ; ma jeunesse, aucun des charmes des années prin-