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Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/101

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tement les bouteilles que l’ami et le compatriote d’Obenreizer.

Madame Dor n’était point dans l’appartement ; on ne manqua pas d’expliquer son absence. Il paraît que les habitudes de la bonne dame étaient si simples qu’elle ne dînait jamais qu’au milieu du jour.

— Elle viendra s’excuser dans la soirée, — dit Obenreizer.

Vendale se demanda si l’absence de Madame Dor n’avait pas une autre raison que la simplicité de son goût. Il pensa qu’elle avait pour une fois interrompu ses occupations domestiques ordinaires, qui consistaient à nettoyer des gants et qu’elle daignait faire la cuisine. La vérité de cette supposition se manifesta dès les premiers plats qu’on servit et qui témoignaient d’un art culinaire bien supérieur à la cuisine Anglaise élémentaire et brutale. Le dîner fut parfait. Quant aux vins, les gros yeux toujours roulants du convive muet les célébraient avec éloquence, et les convoitaient, ravis, en extase. Il disait un : Bon ! quand la bouteille arrivait pleine ; il soupirait un : Ah ! quand on la remportait vide. Ce fut là toute la somme d’esprit et de gaieté qu’il dépensa durant le repas.

Le silence est parfois contagieux ; accablés par leurs soucis personnels, Marguerite et Vendale cédaient à ce bel exemple de mutisme. Tout le poids de la conversation retomba sur Obenreizer qui l’accepta bravement.

Il ouvrit et répandit son cœur.

— Je suis un étranger éclairé, — dit-il.

Et le voilà chantant les louanges de l’Angleterre !