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Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/169

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— Voyageurs, souvenez-vous ! Il y a cinq abris sur la route dangereuse qui va s’ouvrir devant vous, cinq refuges et une croix de bois noir indiquant le chemin de l’hospice voisin. Ne vous écartez pas, et si la tourmente vient, abritez-vous.

— Voilà l’industrie de ces pauvres diables qui fait encore des siennes, — dit Obenreizer à son ami, répondant d’un geste dédaigneux au charitable donneur d’avis. — Comme ils se cramponnent à leur métier !… Vous autres, Anglais, vous soutenez que nous autres Suisses, nous sommes une nation mercantile. En vérité, vous avez bien l’air d’avoir raison.

Ils avaient partagé entre les deux sacs les provisions qu’ils avaient pu se procurer. Obenreizer portait le vin, Vendale le pain, la viande, le fromage, et le flacon d’eau-de-vie.

Ils s’évertuaient depuis quelque temps à grimper à travers les roches et leur blanc linceul, où ils enfonçaient jusqu’aux genoux ; ils conservaient cette marche pénible au milieu de la plus effrayante partie de ce lugubre désert, lorsque la neige commença de tomber. Tout d’abord ce ne fut que de légers flocons qui tombaient doucement et sans relâche ; puis elle s’épaissit et les tourbillons commencèrent.

Le vent s’éleva glacial, avec des mugissements prolongés. La route se poursuivait à travers de sombres galeries de rochers. Devant les voyageurs s’ouvrait une grotte profonde soutenue par des arcs immenses. Ils y arrivèrent avec peine, la tempête, au même instant, éclata dans sa furie.

Le bruit du vent, celui du torrent, le tonnerre des