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Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/180

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dussé-je me briser en pièces sur les roches. Je suis une paysanne, je ne connais ni le vertige ni la crainte, et le péril n’est rien à mes yeux, car je l’aime… Descendez-moi, par pitié !

— Mademoiselle, il doit être mort ou si près de l’être…

— Expirant ou mort, je veux le voir. La tête de mon époux vivante ou inanimée reposera sur mon sein. Descendez-moi, ou je descendrai seule.

Ils obéirent enfin. Avec toutes les précautions que leur suggérèrent leur adresse et leur compassion, ils firent glisser la jeune fille du bord du gouffre… Elle dirigeait la descente elle-même le long de la muraille de glace. Ils lâchèrent la corde plus bas, encore plus bas, jusqu’à ce que ce cri arrivât à leurs oreilles.

— Assez !…

— Est-ce réellement lui ?… Est-il mort ?… — crièrent-ils à leur tour, penchés sur l’abîme.

— C’est lui. Il ne m’entend point, il est insensible ; mais son cœur bat encore ; son cœur bat contre le mien !

— Où est-il tombé ?

— Sur une pointe de glace… Hâtez-vous !… Ah ! si je meurs ici, je serai satisfaite.

L’un des deux hommes s’élança suivi des chiens ; l’autre planta les torches dans la neige, et s’efforça de ranimer le pauvre Joey. Quelques frictions de neige et un peu d’eau-de-vie le firent revenir à lui ; mais il avait le délire et ne savait plus où il était.

Le guide, alors, revint au bord du gouffre.