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Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/185

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mis, mit sur son cœur une de ses mains qui tenait un mouchoir.

— Ma reconnaissance est là, Monsieur, — dit-il, — mais je ne trouve point de mots pour vous l’exprimer.

— Ta, ta, ta, ne me parlez pas de reconnaissance, — dit Maître Voigt. — Je déteste de voir un homme persécuté. Je vous ai vu souffrir : je vous ai naturellement tendu la main. Oh ! je ne suis pas encore assez vieux pour ne pas me rappeler mes jeunes années. Savez-vous bien que c’est votre père qui m’a amené mon premier client. Il s’agissait de la moitié d’un acre de terre qui ne donnait jamais de raisin. Ne dois-je rien à son fils ? J’ai envers lui une dette d’amitié, je m’en acquitte envers vous… Voilà qui est assez bien dit, je pense, — ajouta Maître Voigt, enchanté de lui-même. — Permettez-moi de récompenser mes propres mérites par une prise de tabac.

Obenreizer laissa tomber son regard sur le plancher comme s’il ne se sentait pas même digne de contempler cet honnête vieillard savourant sa prise.

— Accordez-moi une dernière grâce, Monsieur, — dit-il. — N’agissez pas envers moi par impulsion généreuse. Jusqu’ici, vous n’avez connu que vaguement la situation où je me trouve. Eh bien ! Écoutez les raisons qui s’élèvent pour et contre moi, avant de me prendre avec vous dans votre étude. Je veux que mon droit à votre bienveillance soit reconnu par votre bon jugement en même temps que par votre excellent cœur. Ah ! je peux lever la tête devant mes ennemis, je peux me refaire une réputation sur