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Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/201

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Obenreizer, qui observait tout avec méfiance, suivit la direction de ce regard.

— Il y a là une personne qui nous écoute, s’écria-t-il.

— Il y en a deux, — fit Bintrey.

— Qui sont-elles ?

— Vous allez les voir.

Il éleva la voix et ne dit qu’un mot, un mot bien commun, qui se trouve journellement sur les lèvres de tout le monde.

— Entrez.

La porte brune s’ouvrit.

Soutenu par Marguerite, pâle, le bras droit en écharpe, Vendale se trouva debout devant son meurtrier.

Un fantôme sortant de la tombe !

Durant le silence qui suivit, le chant d’un oiseau en cage qui gazouillait en bas dans la cour, fut le seul bruit qu’on entendit dans cette chambre.

Maître Voigt toucha le bras de Bintrey, et lui montrant Obenreizer :

— Regardez-le, — dit-il tout bas.

Cette émotion terrible avait paralysé le misérable ; son visage était celui d’un cadavre, et sur sa joue pâle un seul point gardait la couleur de la vie : c’était cette raie pourpre et sanguinolente, la cicatrice de la blessure que sa victime lui avait faite au bord du gouffre en se débattant contre lui. Sans voix, sans haleine, immobile, stupide, on eût dit que, à l’aspect de Vendale, la mort à laquelle il avait condamné son ennemi venait de le frapper lui-même.