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Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/21

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— Je sais l’histoire… — dit-il… — Oui… oui… je la sais.

— Ma pauvre mère, — reprit Wilding. — Elle avait été cruellement trompée, et comme elle en a souffert ! Mais ses lèvres sont toujours restées muettes à ce sujet. Par qui a-t-elle été trompée et dans quelles circonstances ce grand malheur lui est-il arrivé, monsieur ? Dieu seul le sait. Ma pauvre chère mère n’a jamais voulu trahir le secret de celui qui avait trahi sa confiance, jamais…

— Elle avait résolu de se taire, — interrompit Bintrey promenant de nouveau cet excellent vin dans son gosier ; — elle a dû garder le silence.

À quoi il ajouta mentalement, avec un petit clignement d’yeux :

— Et cela, beaucoup mieux que vous ne pourrez jamais le faire, vous qui aimez tant à parler.

— « Tes père et mère honoreras » — reprit Wilding qui sanglotait toujours… — « afin de vivre longuement. » Quand j’étais aux Enfants Trouvés, Monsieur Bintrey, je me sentais intérieurement si peu disposé à souscrire de bon cœur à ce commandement que je croyais bien n’avoir pas beaucoup de temps à vivre. Cependant je suis arrivé bien vite à honorer ma mère profondément, de toute mon âme, et je révère maintenant sa mémoire.

— Vous la révérez ? — dit Bintrey.

— Pendant sept heureuses années, — continua Wilding avec le même accent de simple et virile douleur et sans songer à rougir de ses larmes, — pendant sept ans, mon excellente mère fut ici l’associée de mes