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Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/42

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et régulière ; elle examina un grand nombre d’enfants sans se décider en faveur d’aucun ; puis, ayant vu par hasard un de nos plus jeunes babies… un petit garçon aussi… confié à mes soins… je vous en prie, tâchez de demeurer maître de vous, monsieur… Il n’est pas nécessaire de prendre plus de détours, en vérité. L’enfant que la dame étrangère emmena avec elle était celui de la dame dont voici le portrait.

Wilding se leva en sursaut.

— Impossible !… — s’écria-t-il, — que me racontez-vous là ?… Quelle histoire absurde !… Regardez ce portrait… ne vous l’ai-je pas déjà dit ?… C’est le portrait de ma mère !…

— Quand cette malheureuse dame, dont vous me montrez l’image, vint, au bout de quelques années, vous retirer de l’Hospice, — reprit Madame Goldstraw d’une voix ferme, — elle fut victime… et vous aussi, monsieur… d’une terrible méprise.

Wilding retomba lourdement sur son fauteuil.

— Il me semble que la chambre tourne autour de moi !… — fit-il. — Ma tête !… ma tête !…

La femme de charge, toute éperdue, courut à la fenêtre qu’elle ouvrit, puis à la porte pour appeler du secours ; mais un torrent de pleurs, s’échappant à grand bruit des yeux de Wilding, vint heureusement le soulager. D’un signe, il pria Madame Goldstraw de ne point le quitter. Elle attendit la fin de cette explosion de larmes. Wilding revint à lui, leva la tête, et considéra sa femme de charge d’un air soupçonneux et irrité, avec toute la déraison d’un homme faible.