Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/89

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qu’il il se tait, son silence met ses interlocuteurs en peine. Son silence éveille tout de suite, vaguement, injustement peut-être, je ne sais quelle méfiance. Tenez, songez à des gens que vous connaissez, que vous aimez. Prenez n’importe lequel de vos amis…

— Ce sera bientôt fait, — dit Wilding, — c’est vous que je prends.

— Je ne voulais pas m’attirer ce compliment ; je ne l’avais même pas prévu, — répliqua Vendale en riant. — Soit, prenez-moi donc et réfléchissez un moment. N’est-il pas vrai que la sympathie que vous fait éprouver mon intéressant visage vient, surtout, de l’expression qu’il a quand je suis silencieux. Et, en effet, cette expression, n’étant point cherchée ni composée, est la plus naturelle, et l’on peut dire qu’elle est le vrai miroir de mon âme.

— Je crois que vous dites vrai.

— Je le crois aussi. Eh bien ! quand Obenreizer parle, et qu’en parlant il s’explique lui-même, il s’en tire à son avantage. Mais quand il est silencieux, il est inquiétant. Donc, il se tire mal du silence. En d’autres termes, il cause bien, mais il ne sait pas se taire.

— C’est encore vrai, — dit Wilding, en riant à son tour.

Malgré les attentions et les soins dont ses amis l’entouraient, Wilding ne recouvrait que lentement la santé et le calme de l’esprit. Vendale, pour l’arracher à lui-même, et peut-être aussi dans le but de se procurer de nouvelles occasions de voir Marguerite, lui rappela son ancien projet de former chez lui une classe de chant.