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Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/177

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— Assurément, elle ne l’est pas, dit-il avec dédain et par-dessus son épaule, mais cela m’est absolument égal.

— Et, en conséquence, continuai-je, avec votre permission, j’insinuerai que nous n’ayons à l’avenir aucune espèce de rapports.

— C’est tout à fait mon opinion, dit Drummle, et c’est ce que j’aurais insinué moi-même ou plutôt fait sans insinuation ; mais, ne perdez pas votre calme, n’avez-vous pas assez perdu sans cela ?

— Que voulez-vous dire, monsieur ?

— Garçon ! » dit Drummle, en manière de réponse.

Le garçon reparut.

« Par ici !… écoutez et comprenez bien : la jeune dame ne sort pas aujourd’hui, et je dîne chez la jeune dame.

— Parfaitement, monsieur. »

Après que le garçon eût touché de la paume de sa main ma théière qui se refroidissait rapidement ; qu’il m’eût regardé d’un air suppliant et qu’il eût quitté la pièce, Drummle, tout en ayant pris soin de ne pas bouger l’épaule qui me touchait, prit un cigare de sa poche, en mordit le bout, mais ne fit pas mine de bouger. Je bouillais, j’étouffais, je sentais que nous ne pourrions pas dire un seul mot de plus sans faire intervenir le nom d’Estelle, et que je ne pourrais supporter de le lui entendre prononcer. En conséquence, je tournai froidement les yeux de l’autre côté du mur, comme s’il n’y avait personne dans la chambre, et je me forçai au silence. Il est impossible de dire combien de temps nous aurions pu rester dans cette position ridicule, sans l’arrivée de trois fermiers aisés, amenés, je pense, par le garçon ; ils entrèrent dans la salle en déboutonnant leurs paletots et en se frottant les mains, et comme