Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 2.djvu/348

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dirais ce que j’avais dans la pensée (ce second point n’était pas encore tout à fait résolu), et pourquoi je ne m’étais pas décidé à aller retrouver Herbert, et alors la confiance de Joe serait reconquise pour toujours. À mesure que je me rassérénais, Joe se rassérénait aussi, et il me sembla qu’il avait pris aussi sympathiquement une résolution.

Nous passâmes tranquillement la journée du dimanche, et nous gagnâmes la campagne en voiture, pour nous promener à pied dans les champs.

« Je remercie le ciel d’avoir été malade, Joe, dis-je.

— Cher vieux Pip, mon vieux camarade ; vous en êtes maintenant presque revenu, monsieur.

— Ç’a été un temps mémorable pour moi, Joe.

— Comme pour moi, monsieur, répondit Joe.

— Nous avons passé ensemble un temps que je n’oublierai jamais, Joe. Il y a eu des jours, je le sais, que j’ai oubliés pendant un certain temps, mais jamais je n’oublierai ceux-ci.

— Pip, dit Joe paraissant un peu ému et troublé, il y a eu quelques bons moments, et, cher monsieur, ce qui a été entre nous, a été. »

Le soir, quand je fus au lit, Joe vint dans ma chambre, comme il y était venu pendant tout le temps de ma convalescence. Il me demanda si j’étais sûr d’être aussi bien portant que le matin.

« Oui, cher Joe, parfaitement.

— Et vous vous sentez toujours plus fort, mon vieux camarade ?

— Oui, cher Joe, toujours. »

Joe mit sur la couverture, à l’endroit de mon épaule, sa large et bonne main, et dit d’une voix qui me sembla étouffée :

« Bonsoir ! »