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Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/107

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quittait péniblement de ses fonctions. Le vieillard paraissait avoir recouvré le calme, la paix intérieure ; souvent il restait longtemps assis, dans l’attitude d’une méditation qui n’avait plus rien de sombre, de désespéré. Un rien suffisait pour l’amuser ; par exemple, un rayon de soleil se jouant sur le mur ou le plancher. Il ne se plaignait plus, ni de la longueur des jours, ni de l’ennui pesant des nuits : il semblait plutôt avoir perdu le sentiment de la durée du temps et être devenu étranger à tout souci, à toute inquiétude. Il passait des heures entières assis et tenant dans sa main la petite main de Nell, jouant avec les doigts de l’enfant ; puis, il s’interrompait pour caresser les cheveux et embrasser le front de sa jeune compagne ; et, quand parfois il voyait briller des larmes dans les yeux de sa Nelly, tout étonné, il regardait autour de lui pour découvrir la cause de ce chagrin, puis oubliait son propre étonnement au moment même où il cherchait à se l’expliquer.

L’enfant et le vieillard firent quelques sorties en voiture : le vieillard, appuyé sur des oreillers, et l’enfant à côté de lui, tous deux se tenant par la main, comme d’habitude. D’abord, le bruit et le mouvement des rues causèrent un peu de fatigue au convalescent ; mais il n’y avait en lui ni surprise ni curiosité, ni plaisir ni impatience. Et comme Nelly lui demandait s’il se rappelait ceci ou cela : « Oh oui ! disait-il ; très-bien ! Comment donc ! » Parfois il tournait la tête, regardait vivement avec surprise et tendait le cou en désignant une personne dans la foule jusqu’à ce que ce passant eût disparu. Interrogé ensuite sur le motif de ce mouvement, il ne trouvait pas un mot à répondre.

Un jour, il était assis dans son fauteuil, ayant Nell auprès de lui sur un tabouret, lorsqu’à travers la porte quelqu’un demanda : « Puis-je entrer ?

— Oui, » répondit le vieillard sans la moindre émotion. C’était Quilp ; le vieillard avait reconnu sa voix.

Quilp était devenu le maître de céans. Il avait le droit d’entrer, il entra.

« Je suis satisfait de vous voir enfin guéri, voisin, dit le nain allant s’asseoir en face du vieillard. Vous voilà fort, maintenant.

— Oui, répondit le vieillard d’une voix faible, oui.

— Je ne veux pas vous presser, voisin… Vous savez ? dit le nain élevant la voix, car les sens chez le vieillard étaient plus