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Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/198

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distingués, ajouta-t-il en se frappant la poitrine, ont un tout autre air, croyez-moi, j’en sais quelque chose. »

Quilp lança à son trop franc ami un regard mêlé de finesse et de mécontentement, et lui serrant la main avec force, il lui dit :

« Vous êtes un drôle de corps, mais c’est égal, comptez sur mon estime. »

Après cela ils se séparèrent, M. Swiveller pour retourner chez lui le mieux possible et se remettre de son excès par le sommeil, et Quilp pour réfléchir à la découverte qu’il avait faite, et se réjouir de la magnifique perspective de satisfaction et de représailles qu’elle lui ouvrait.

Ce ne fut pas sans de grandes répugnances et des soupçons fâcheux que, le lendemain matin, M. Swiveller, la tête encore lourde des fumées du fameux schiedam, se rendit chez son ami Trent — sous le toit d’une vieille maison garnie qui avait l’air d’un repaire de revenants — et lui raconta, avec ménagements toutefois, ce qui s’était passé la veille entre Quilp et lui. Ce ne fut pas non plus sans une vive surprise, sans se demander quels motifs avaient pu dicter la conduite de Quilp, ni sans amèrement blâmer la folie de Dick Swiveller que son ami entendit ce récit.

« Je ne chercherai pas à m’excuser, dit Richard d’un ton contrit, mais ce drôle a des façons si originales, c’est un chien si adroit, qu’il m’a amené d’abord à me demander quel mal cela pouvait faire de lui parler à cœur ouvert, et j’en étais encore à y songer que déjà il m’avait arraché mon secret. Si vous l’aviez vu boire et fumer, comme je l’ai vu, vous auriez fait comme moi, vous lui auriez tout dit. C’est une salamandre, vous le savez, pas autre chose. »

Sans examiner si les salamandres sont de leur nature de très-bons confidents à prendre dans les affaires délicates, ou si un homme à l’épreuve du feu comme l’amateur de schiedam était par là digne de toute confiance, Frédéric Trent se jeta sur un siège et, plongeant sa tête entre ses mains, il s’efforça de sonder les motifs qui avaient pu conduire Quilp à s’insinuer dans les secrets de Richard Swiveller : car c’était lui qui avait cherché à tirer les vers du nez de Dick, et non pas l’autre qui avait été entraîné à lui révéler tout par une confiance spontanée : d’ailleurs, Frédéric en pouvait douter moins que jamais, en voyant