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Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/304

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d’aloyau de bœuf pesant environ six livres bon poids, comme il l’avait vu de ses propres yeux et reconnu au flair ; il avait vu aussi, de quelque façon que l’effet se produisît, l’eau frémir et bouillonner le temps que le gentleman mettait à cligner de l’œil. Toutes ces circonstances réunies l’amenaient à conclure que la locataire était ou un grand magicien ou un grand chimiste, tous les deux peut-être, et que son séjour dans la maison ne pourrait manquer de jeter un jour beaucoup d’éclat sur le nom de Brass et d’ajouter un nouvel intérêt à l’histoire de Bevis Marks.

Il y eut un point cependant sur lequel M. Swiveller ne jugea pas nécessaire de s’étendre, à savoir le « modeste rafraîchissement » qui, en raison de sa force intrinsèque et de ce qu’il était arrivé mal à propos sur les talons mêmes du breuvage modéré que M. Swiveller avait analysé à son dîner, éveilla chez lui un léger accès de fièvre et rendit nécessaire l’application de deux ou trois autres « modestes rafraîchissements » que M. Swiveller dut prendre à un cabaret voisin, dans le cours de la soirée.





CHAPITRE XXXVI.


Depuis quelques semaines, le gentleman occupait son appartement, refusant toujours d’avoir aucun rapport avec M. Brass ou sa sœur Sally, mais choisissant invariablement Swiveller comme intermédiaire. Or, comme à tous égards il se montrait un excellent locataire, payant d’avance tout ce dont il avait besoin, ne causant aucun embarras, ne faisant aucun bruit et ayant des habitudes très-régulières, son fondé de pouvoirs était naturellement devenu dans la famille Brass un personnage d’une haute importance par suite de l’influence qu’il exerçait sur cet hôte mystérieux, avec qui il pouvait négocier bien ou mal, tandis que personne autre n’osait l’approcher.

À dire vrai, les rapports de M. Swiveller avec le gentleman n’avaient lieu qu’à distance et n’étaient pas d’une nature très-encourageante. Mais comme il ne revenait jamais d’une de ces conférences monosyllabiques sans répéter quelques-unes des