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Page:Dickens - Magasin d Antiquités, trad Des Essarts, Hachette, 1876, tome 1.djvu/312

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— Eh bien, dit Sally, quel mal ça vous fait-il ?

— Quel mal ! … N’est-ce pas un mal qu’on vienne crier, hurler sous votre nez, vous déranger de votre besogne et vous faire grincer les dents de colère ? N’est-ce pas un mal d’être aveuglé, suffoqué ? N’est-ce pas un mal que le pavé du roi soit intercepté par un tas de braillards dont les gosiers semblent faits de…

— Brass… murmura M. Swiveller.

— Ah ! oui, d’airain, dit le procureur, regardant son clerc pour s’assurer si le mot qu’il avait prononcé l’avait été sans malice, ou s’il n’avait pas un double sens moins innocent. N’est-ce pas un mal ? »

Le procureur s’arrêta court dans sa déclamation ; il écouta un instant, et, reconnaissant une voix qui lui était familière, il appuya sa tête sur sa main, leva les yeux au plafond et laissa tomber ces mots d’une voix gémissante :

« En voici encore un ! »

En ce moment le gentleman venait d’ouvrir la fenêtre.

« Encore un ! répéta Brass. Ah ! si je pouvais lancer un break[1] à quatre chevaux pur sang au milieu de Bevis Marks, quand la foule sera le plus épaisse, je donnerais bien trente sous, et de bon cœur encore. »

On entendit de nouveau Polichinelle dans le lointain.

Le gentleman ouvrit sa porte. Il descendit vivement l’escalier, entra dans la rue, dépassa la fenêtre de l’étude et courut tête nue vers l’endroit d’où le bruit partait. Il n’y avait plus de doute, il courait engager la troupe ambulante.

« Si je pouvais seulement savoir quels sont ses parents, murmura Sampson en remplissant sa poche de papiers ! Ils n’auraient qu’à former une jolie petite commission de lunatico à Grays’s Inn Coffea House pour le faire interdire et me charger de l’affaire ; je me moquerais bien que mon logement fût vacant quelque temps. »

En achevant ces paroles, il enfonça son chapeau sur ses yeux comme pour se soustraire complètement à la vue de l’odieuse visite qu’il ne pouvait épargner à sa maison, puis s’élança de chez lui pour se sauver au loin.

Comme M. Swiveller était un partisan déclaré de ce spectacle,

  1. Voiture pour dresser les chevaux