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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/299

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CAR

aux globules voisines, ces globules le communiquent à d’autres jusqu’à nous. C’est en cela que consiste la lumière, Voyez Lumière.

☞ Enfin cette poussière, que nous avons nommée troisième élément, étant irrégulière, anguleuse, peut former des pelotons épais. Plusieurs parties s’attachent par leurs angles, s’emboîtent les unes dans les autres, encroutent peu à-peu le tourbillon ; & de ces croûtes épaissies, surtout le dehors, il se forme un corps opaque, une planète, une terre habitable.

☞ Cette grosse poussière, ces parties massives du troisième clément, dont la terre, les planètes & les comètes sont formées, s’arrangent en d’autres formes, en vertu du mouvement, & nous donne l’eau, l’air, les métaux, les pierres, les animaux, les plantes, en un mot, tout ce que nous voyons dans notre monde.

☞ Cet édifice de Descartes ne paroît à M. Pluche, ainsi qu’à bien d’autres, qu’un assortiment de pièces qui croulent. Il attaque le fabricateur du monde dans ses principes & dans les conséquences qu’il en tire. Il lui paroît singulier d’entendre dire que Dieu ne puisse pas créer & rapprocher quelques corps anguleux, à moins qu’il n’ait de quoi remplir exactement tous les interstices des angles. De quel droit, dit-il, ose-t-on borner ainsi la souveraine puissance ? Le vide même, ajoute-t-il, est nécessaire dans la supposition de Descartes. Car les poussières de toutes tailles qui viennent se glisser entre les globules pour remplir les petits vides qu’ils laissent entr’eux, ne se forment qu’à la longue. Les globules ne s’arrondissent pas en un instant. Cette pulvérisation est successive. Voilà les angles prêts à se briser : mais avant que la chose soit faite, voilà entre ces angles des vides sans fin, & nulle provision pour les remplir.

☞ De plus, dit M. Pluche, tout ce que nous découvrons dans la lumière & dans la structure de la terre, est entièrement incompatible avec l’architecture cartésienne.

☞ Selon Descartes, la lumière est une masse de petits globules qui se touchent immédiatement, en sorte qu’une file de ces globules ne sauroit être poussée par un bout, que l’impulsion ne se fasse en même temps sentir à l’autre, comme il arrive dans un bâton. Cependant la lumière du Soleil met 7 à 8 minutes à franchir les 33 000 000 de lieues qu’il y a du Soleil à la terre ; & il est certain par quantité d’observations que la communication ne s’en fait pas en un instant, mais qu’elle parvient plus vite sur les corps plus voisins, & plus tard sur les corps plus éloignés. La lumière de Descartes n’est donc pas la lumière du monde.

☞ M. Pluche fait ensuite la visite de la terre cartésienne, après s’être bien assuré qu’on y peut marcher en sureté, & la compare avec la nôtre. Dans la croûte de la première, il ne voit qu’une écume grossière, un amas de particules inutiles, sans destination, sans distinction, qu’aucune prudence n’a pris soin de rendre bonnes à quelque chose ; au lieu que dans la nôtre, il voit par-tout des matières excellentes, des nares d’une simplicité inaltérable & d’un service merveilleux. Dans son tour de promenade sur le globe de Descartes, il ne trouve pas que sa surface ait assez de beauté pour se dédommager de la crasse & de la pauvreté des dedans. Voyez dans l’Auteur même toutes les raisons qu’il apporte, quelquefois avec trop de vivacité, & même un peu d’humeur contre le systême de Descartes.

☞ Quant au reproche que fait M. Pluche, que l’athéisme paroît étayé par le Cartésianisme, il est plus mal fondé que les autres. Il faut être bien prévenu contre ce systême pour y voir jusqu’aux principes de l’athéisme. Les Athées admettent une matière incréée, éternelle. Descartes la suppose créée & mise en mouvement par Dieu. On peut voit dans Descartes même avec quelle force il réfute une aussi ridicule calomnie. Jamais Philosophe n’a paru plus respectueux pour la divinité, dont il s’est occupé à prouver l’existence. Se proposer les argumens des Athées pour les réfuter, ce n’est pas être Athée.

Le Cartésianisme a charmé les esprits, comme tous les systêmes nouveaux ; mais on en est bien revenu, & l’on ne trouve aujourd’hui guère plus de solidité dans les élémens du Cartésianisme, que dans les qualités occultes de la vieille philosophie. Malgré tout cela, il faut avouer que l’Auteur & le pere du Cartésianisme étoit un génie sublime & un Philosophe conséquent ; la connoissance qu’il avoit des Mathématiques lui a servi à purger la Philosophie de beaucoup de choses inutiles, & à expliquer d’une manière physique les effets de la nature. Le Cartésianisme a été prêt d’être interdit par arrêt du Parlement, & il l’auroit été sans la requête burlesque qui fut présentée au Premier-Président.

☞ Le pur Cartésianisme est le systême de Physique, tel qu’il a été proposé par Descartes, aujourd’hui abandonné par tous les Physiciens. Voyez Tourbillons simples.

☞ Le cartésianisme mitigé & rectifié, est encore soutenu par plusieurs Physiciens de réputation. Voyez Tourbillons simples.

CARTÉSIEN. s. m. Philosophe qui est dans les sentimens de Descartes. Cartesianus, Cartesii sectator.

M. de Ville a fait un Traité fait le sentiment des Cartésiens, touchant l’essence & les propriétés du corps, dans lequel, pour faire mieux rentrer les Cartésiens en eux-mêmes par la vue du péril où ils s’engagent, il fait voir que Calvin & les Calvinistes soutiennent les mêmes principes que Descartes & les Cartésiens touchant l’essence & les propriétés du corps. Journ. des Sav.

Cartésien, enne. adj. Qui appartient, qui a rapport à Descartes, ou à sa secte. Cartesianus. La doctrine Cartésienne est suspecte à bien des gens. Un Protestant de Gripswaldt, qui fit, il y a quelque temps, une dissertation sur la religion de Descartes, De Religione Cartesiii, dit que bien des Savans l’ont accusé d’athéisme : il tâche cependant de l’en purger ; mais il dit qu’il faut bien mettre de la différence entre Descartes & ses sectateurs. Que l’essence des choses dépende du libre arbitre de Dieu, c’est une chimère cartésienne, dont les peres sont fort éloignés. Mém. de Trév.

Cartésienne à la Boulonnoise. Sorte de soie qui vient de Milan.

CARTEYER. Voyez Cartayer.

CARTHAGE ou CARTAGE. Carthago. Ville d’Afrique très-fameuse dans l’antiquité, & qui disputa l’Empire du monde à Rome. Les sentimens des Anciens sont partagés sur le fondateur de Carthage, & sur le temps qu’elle fut bâtie. Appien, Liv. I, de Bello Punico, dit qu’elle fut bâtie 50 ans avant la prise de Troye. Philiste, Auteur de Syracus, que Cicéron appelle un petit Thucydide, & dont il est souvent parlé chez les Anciens, disoit, au rapport d’Eusèbe, qu’elle fut bâtie l’an 32e avant la prise de Troye, du temps du Juge Jaïr. Justin, L. XVIII, c. 5 & 6, dit qu’elle fut bâtie 72 ans avant Rome. Orosius a suivi Justin. Parerculus, L.I, c.6, dit que ce ne fut que 65 avant Rome. Denys d’Halycarnasse, L. I, rapporte de Timée Sicilien que ce fut 38 ans avant la première Olympiade ; ce qui revient à peu-près au sentiment de Paterculus. Josephe, dans son ouvrage contre Appion, cite Ephesius, qui avoit appris des Archives des Tyriens, qu’elle fut bâtie 143 ans 8 mois après le Temple de Salomon. Outre ce qu’Eusèbe rapporte de Philiste, il en parle encore à l’année 31e de David, p. 121, de l’édition de Scaliger, & dit que le sentiment de quelques Auteurs est qu’elle fut bâtie 133 ans après la guerre de Troye. Virgile suppose qu’elle fut bâtie peu après la prise de cette ville, car 7 ans après, lorsqu’Enée y arriva, elle étoit fort avancée, & la guerre de Troye se voyoit peinte dans le Palais de la Reine.

Quant au Fondateur de Carthage, Philiste disoit que ce furent Exore ou Xore, & Carchedon, tous deux Tyriens ; d’autres que ce fut Carchedon Tyrien, pere de Didon : d’autres que ce fut Didon sa fille.