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Il est vrai cependant qu’il y en a de plus ou moins nuisibles ; ceux qu’on mange plus volontiers sont le mousseron. Fungus parvus, mousseron dictus ; on en trouve en plusieurs endroits du Royaume. On mange presque toute l’année à Paris le fungus pestris albus supernè, inferne rubeus. On fait une couche avec du terreau préparé, & il ne manque guère d’en lever lorsque la couche est bien faite. La plupart des autres espèces sont nuisibles, surtout les espèces qui ont des feuillets noirs, & qui sentent mauvais.

On appelle agaric un champignon qui croît sur le mélèze : on le distingue en mâle & en femelle. Le mâle sert aux Teinturiers en noir ; la femelle au contraire est un purgatif hydragogue. Agaricus, sive fungus laricis ; le mâle croît sur les noyers, & le nomme Agaricus pedis equini formâ. Le fongoïde ne diffère du champignon que par sa figure extérieure. En effet, ce champignon est ordinairement forme en coupe. La morille, bolatus, est même une sorte de champignon ; elle est à présent en usage comme le mousseron & les champignons bons à manger. Ce dernier, fungus, est criblé comme les rayons d’une ruche. La vesse-de-loup est une autre sorte de champignon, qui en se séchant se réduit tout en poudre : cette poudre est bonne pour arrêter les hémorrhagies des hémorrhoïdes ; fungus sive crepitus lupi, lycoperdon vulgare. Les corraloïdes ont été ainsi appelés à cause que cette plante, quoique fongueuse, est branchue comme le corail ; on mange quelques-unes de leurs espèces. Le champignon de sureau est estimé pour la squinancie, fungus sambuccinus, sive auricula judæ. On met enfin la truffe, tuber, parmi les plantes fongueuses. Il y a quelques espèces de champignons dont on a vu tomber une semence noire en forme de poussière. L’Empereur Claude fut empoisonné en mangeant des champignons ; & parce qu’il fut mis après sa mort au nombre des Dieux, on les appela le ragoût des Dieux.

Il y a des champignons qu’on appelle porcini, ou champignons de pourceaux, qu’on fricasse à l’huile & au beurre, parmi lesquels il y en a de venimeux. Rhasis fait mention d’un champignon, dont la poudre mise sur un bouquet, empoisonne quand on le flaire. Matthiole dit qu’il a vu des champignons qui pesoient trente livres, qui étoient jaunes comme de l’or ; & qu’il y en a à Rome & à Naples qui viennent sur des pierres qu’on arrose. Il observe aussi que les meilleurs champignons ne valent rien quand on en mange trop ; qu’ils surmontent & éteignent la chaleur naturelle : & il nomme le champignon la vraie enseigne du logis de la mort. Ferrantes Impératus dit avoir vu des champignons qui pesoient plus de cent livres. Clusius parle d’un qui étoit assez gros pour nourrir plus d’un jour toute une famille ; & & on dit que dans les confins de la Hongrie & de la Croatie il en croît de si gros, qu’un seul peut remplir & faire la charge d’un chariot. XVe Journ. des Sc. 1678. Credat Judæus apella. On a vu un homme en Allemagne, dont les reins, à ce que l’on jugeoit, étoient d’une substance de champignon, parce qu’après d’épouvantables douleurs qu’on avoit cru être causées par la pierre, il jetta de temps en temps de petits champignons, comme les autres font des pierres. Ib. 1679, p.

☞ On ne sauroit prendre trop de précaution dans le choix des champignons. On doit les choisir d’une grosseur médiocre, avant qu’ils soient développés, bien charnus, blancs en dessus, rougeâtres en dessous, fermes, & serrés, & d’une odeur agréable.

☞ Les champignons viennent de graines comme les autres plantes. La nature est uniforme dans ses opérations. On apperçoit même de ces semences avec la loupe sur quelques champignons ; & la manière dont on fait venir les champignons sur nos couches, prouve que ces graines imperceptibles sont renfermées dans le crotin de cheval, où elles germent quand il est suffisamment échauffé, se développent & paroissent comme de petits filets blancs, dont une des extrémités s’arrondit & devient un champignon, la partie intérieure un pedicule.

☞ S’il arrive qu’on soit incommodé pour avoir mangé de mauvais champignons, il faut sur le champ avoir recours aux vomitifs ; & si on n’en a point, on boira coup sur coup beaucoup d’eau tiède dans laquelle on aura fait dissoudre du sel marin. Cette eau irrite l’estomac & provoque au vomissement. Après quoi l’on fait usage des savoneux & adoucissans.

Ménage tient que ce mot vient du latin campinto, à cause qu’il naît dans les champs sans être semé.

On dit proverbialement d’un homme qui s’est élevé, qui a fait fortune en peu de temps, qu’il est venu en une nuit comme un champignon.

☞ On appelle aussi champignon, un bouton qui se forme à l’extrémité du lumignon d’une bougie, d’une chandelle ou d’une lampe qui n’a pas été mouchée. Lucernis fungus. On lui a donné ce nom à cause de sa ressemblance.

Champignon, en Médecine, est aussi une tumeur, ou une excrescence de chairs spongieuses qui naissent en plusieurs parties du corps, comme aux paupières aux parties honteuses, ou à la tête, quand le crâne a été trépané ou rompu, & que les membranes du cerveau ont été blessées. Fungosæ carnis tumor. Il y en a qui sortent hors des fractures des os & qui sont faites effectivement comme des champignons ; ce qui leur en a fait donner le nom.

Champignon, en Architecture. Espèce de coupe renversée, taillée en écailles par dessus, qui sert aux fontaines jaillissantes à faire bouillonner l’eau d’un jet ou d’une gerbe, en tombant. Fungus.

Champignon de Mer. Espèce de petit poisson assez commun sur les côtes de Normandie. Ces poissons ne quittent point le lieu où ils se sont use fois attachés ; quand ils se tiennent renfermés, ils sont semblables à des champignons, ce qui leur en a fait donner le nom ; & à une anémone, quand ils ouvrent ou déplient leurs trompes. Voyez le Spect. de la Nat.

CHAMPIGNONNIÈRE. s. f. Couche de fumier, préparée pour y faire venir des champignons bons à manger. Il faut faire là un champignonnière. On accommode des champignonnières dans des caves.

☞ On ne dit plus champignonnière. Il faut dire couche. Voyez ce mot.

☞ CHAMPION. s. m. Ce mot signifie en général celui qui combat en champ clos pour sa propre cause, ou pour la cause d’un autre ; & plus particulièrement celui qui se bat pour un autre. Pugnator. Les injures faites à l’honneur des Dames se vengeoient autrefois par le combat de deux champions. Ce Prince avoit plusieurs braves champions dans son armée.

Ménage dérive ce mot de campio, suivant les Gloses d’Isidore, qui campo decertant. En ce cas le mot de camp étoit pris pour le duel qui se faisoit dans un champ clos. Campion signifie aussi en allemand un homme qui se bat en duel, camp un duel, & campen, se battre en duel. Ces mots viennent de camp, qui signifie champ, le lieu où l’on se bat, du latin campus. C’est la remarque des Bollandistes, Mart. T. II, p. 494. D. Ce mot campio est très-ancien, quoiqu’il ne soit pas de la bonne latinité. Il se trouve dans Grégoire de Tours. Du Cange dérive champion de l’allemand kampff, qui signifie combat : & il remarque qu’on appeloit proprement, champions ceux qui se battoient pour d’autres, qui, étant obligés selon la coutume d’accepter le duel, avoient pourtant une juste excuse pour s’en dispenser ; s’ils étoient par exemple trop vieux, trop jeunes, ou infirmes, ou Ecclésiastiques. Dans tous ces cas, ils étoient obligés de donner des champions, qu’on appeloit aussi avoués. Il ajoûte que c’étoit le plus souvent des mercenaires qu’on louoit pour de l’argent, & qui passoient pour infâmes. Il y avoit aussi des vassaux, qui par leur foi & hommage étoient obligés envers leurs Seigneurs de se battre pour eux en cas de besoin. C’étoient seulement des combattans à pied armés d’un bâton & d’un bouclier. Il