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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/427

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CHA

naan. Depuis que les Israélites en furent les maîtres, elle fut autrement divisée, comme nous le dirons au mot Terre-sainte.

CHANANÉEN, ENNE. s. m. & f. Beaucoup d’Auteurs écrivent aujourd’hui Cananéen pour Chananéen ; mais mal. Jamais cette Chananéenne de l’Evangile ne se vit exposée à de tels rebuts. Bourd. Exh. I, p. 329. En parlant de cette femme de l’Evangile, communément on dit Chananée, & non pas Chananéenne. La Cananée ou Chananée, l’Evangile de la Chananée. Ainsi la Dame pénitente qui a fait les réflexions sur la miséricorde de Dieu, a dit : Seigneur, inspirez moi par votre sainte grace les mêmes dispositions avec lesquelles la Chananée se vint prosterner à vos pieds.

CHANCE. s. m. Premier coup de dez qu’on jette pour en faire jouer un autre. Primi tesserarum jactus, fortuita puncta. Ainsi on dit, livrer chance à quelqu’un, pour lui donner lieu de jouer un coup ensuite.

Chance, se dit non seulement pour le point qu’on livre à celui contre lequel on joue aux dez, mais encore de celui qu’on amène pour soi-même. On livre chance à quelqu’un ; & l’on amène sa chance.

On dit figurément, livrer chance à quelqu’un ; pour dire, défier, provoquer quelqu’un à la dispute.

Ce mot vient du latin cadentia, selon quelques-uns ; mais il y a plus d’apparence qu’il vient de chance, vieux mot celtique, ou bas-breton, qui signifie cas fortuit.

Chance, est aussi un jeu particulier de dez qui se joue avec certaines règles, & qui ne tombe que sur certains points. Certus tesserarum jactus.

Chance, signifie figurément coup heureux, ☞ un événement heureux, qui dépend du pur hasard. En quoi le mot chance est distingué du bonheur qui s’étend à tous les événemens. On peut, par une sage conduite, contribuer à son bonheur. On ne peut augmenter sa chance.

Votre arrivée m’a porté chance. On dit que la chance a tourné, lorsque d’heureux au jeu qu’on étoit, on devient mal heureux. Fortuna vertit. J’ai gagné au commencement ; mais la chance a tourné.

L’an passé, qu’un dessein quelque peu hasardeux
Vous avait fait sortir de France,
A tel jour qu’aujourd’hui je fis pour vous des vœux,
Et mes vœux vous ont porté chance, R.

On dit proverbialement, chance vaut mieux que bien jouer. Fi du jeu qui n’a chance ; pour dire que quelque précaution que l’on prenne, rien ne réussit quand on est malheureux.

On dit proverbialement, qu’un homme a conté sa chance ; pour dire, son histoire, sa bonne ou mauvaise fortune.

CHANCEL ou CHANCEAU, ou plutôt CANCEL. Voyez ce mot.

CHANCELADE. Voyez Chancellade.

☞ CHANCELAGUA. Plante de la Nouvelle Espagne, fort commune dans les environs de Panama. Elle est aussi amère au goût que la centaurée. Elle facilite, dit-on, la transpiration ; & on s’en sert dans les catharres, dans les rhumatismes & dans les fièvres malignes

CHANCELANT, ANTE. adj. verbal. Qui chancelle, qui panche de côté & d’autre, comme s’il alloit tomber ; qui n’est pas ferme, stable, assuré. Titubans, vacillans. Aller d’un pas chancelant, démarche chancelante.

On le dit aussi au figuré. La fortune est fort chancelante, n’est jamais assurée. Les esprits foibles sont chancelans dans leurs opinions, sont irrésolus. Etre chancelant dans son devoir. Ablanc. La multitude étoit déjà toute ébranlée & chancelante. Vaug. Combien de familles chancelantes ont été soutenues par son secours. Fléch.

CHANCELER, v. n. N’être pas ferme & assuré sur ses pieds, pancher de côté & d’autre, comme si on alloit tomber. Titubare, vacillare. La marque d’un homme qui a trop bû, c’est qu’il chancele, qu’il marche en penchant le corps, tantôt d’un côté, & tantôt de l’autre. Vacillare ex vino. Il s’apperçut que le Roi chanceloit, & laissoit aller ses armes de foiblesse. Vaug. On ne voit point mes pas sous l’âge chanceler. Boil.

Il se dit aussi au figuré des choses qui sont sujettes à varier, à manquer, à changer. Alexandre vit ce jour-là chanceler sa fortune. Vaug. Sa mémoire chancela dès le commencement de sa harangue. Ces gens ne seront pas long-temps amis, leur amitié chancèle déjà.

Sous le coupable effort de sa noire insolence,
Themis a vu cent fois chanceler sa balance. Boil.

Chanceler, se dit aussi figurément de ceux qui sont incertains dans leurs opinions, dans leurs décisions. Animo titubare, vacillare. Il ne faut pas qu’un Auteur grave chancelle dans ses opinions, il faut qu’il décide nettement. Il est encore irrésolu, il chancelle.

Quelques-uns dérivent ce mot de cancellare.

CHANCELIER. s. m. Premier Officier de la Couronne en ce qui regarde la Justice, & qui est le Chef de tous les Conseils du Roi. Franciæ Cancellarius. La principale fonction du Chancelier, c’est de garder le Sceau Royal. On ne dépossède point un Chancelier. Le Chancelier de France est Président né du Grand Conseil. Les Cours Souveraines lui rendent les premiers honneurs après le Roi ; il a seul le droit d’y présider. Il ne prête le serment qu’entre les mains du Roi. Il ne porte jamais le deuil pour quelque raison que ce soit. La raison de ce privilège est qu’il se détache de lui-même, pour ne plus représenter que la Justice, dont il est le Chef. Le Maît. Les Rois ont rassemblé dans le Chancelier l’autorité de toutes les Magistratures : c’est pourquoi ses Lettres sont présentées dans toutes les Cours souveraines. Il a chez lui les marques de la Majesté Royale ; sa maison est ornée de fleurs de lys. Id. Le Chancelier a séance, & opine le premier après les Princes du Sang ; & au Parlement il précède le Connétable. Le P. Anselme. Le Chancelier est la bouche du Prince & l’interprète de ses volontés. Le Maît. Le Chancelier fut du temps du Roi Dagobert appelé Grand Référendaire, comme on recueille d’un passage d’Aimoin. Sous Hugues Capet, il apposoit seulement son seing aux Lettres-Patentes, après la signature du Grand Maître, du Grand Chambellan, du Grand Echanson, & du Connétable.

M. Boyer, de l’Académie Françoise, faisant au nom de sa Compagnie, compliment à un Chancelier, lui dit : Souffrez qu’elle (l’Académie) vous contemple sur le plus auguste & le plus glorieux tribunal de l’univers, où vous êtes devenu la première intelligence de l’Etat, sous le plus grand Roi de la terre ; l’organe de sa justice souveraine, l’oracle de ses loix, le dispensateur de ses grâces, & le dépositaire de son autorité.

On ne peut pas douter que Pharamond, & Clodion & Mérouée ses successeurs, n’ayent eu des Chanceliers & des Sécrétaires, quoique l’histoire ne rapporte point leurs noms. Quelques Auteurs modernes font Widiomare Chancelier, ou Référendaire du Roi Childeric, mais sans aucun fondement. Grégoire de Tours ne lui donne point cette qualité. Le premier Référendaire, (car c’est le nom dont les Chanceliers de France ont été appelés sous la première race de nos Rois) se nommoit Aurélien. Il exerça cette charge sous Clovis, cinquième Roi des François. Hincmar dit qu’il portoit l’anneau ou le sceau de ce Prince. Tessereau. D’autres font Aurélien Grand Chambellan, & non pas Référendaire. Voyez Bardin, & ci-dessus au mot Chambellan. Valentinien est le premier qu’on trouve qui ait signé