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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/462

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qu’elle est forte. Cette charge est trop forte pour moi. Je ne sais pas pourquoi les Vocabulistes, qui avoient pourtant sous les yeux les remarques de M. l’Abbé Girard, s’avisent de dire charge lourde. C’est du fardeau qu’on dit qu’il est lourd ; parce que le fardeau est ce qu’on porte ; de même qu’on dit du faix qu’il accable, parce qu’il joint à l’idée de ce qu’on porte celle d’une certaine impression sur ce qui porte.

☞ Ce mot vient, dit-on, de carg qui en vieux langage bas-breton signifioit la même chose.

Charge, en terme de Maçonnerie, se dit de ce qui pese sur un mur, poutre, ou autre corps. On donne de la charge à une voûte à proportion que les arcboutans sont forts. Il faut étayer cette poutre, parce qu’elle porte une charge trop forte. Les Maçons appellent aussi charge de plancher, une certaine épaisseur que l’on met sur les solives & ais d’entrevoux, ou sur le hourdi d’un plancher, pour recevoir le carreau, ou aire de plâtre, qu’on y doit mettre.

On dit particulièrement, qu’il faut payer les charges d’un mur, quand un voisin éleve un mur mitoyen pour bâtir dessus : c’est indemniser le voisin de la nouvelle charge qu’on met sur le mur mitoyen, ce qui s’estime à raison de six toises l’une. Voyez l’art. 197 de la Coutume de Paris.

Charge, est aussi une certaine mesure d’un poids proportionné à la force de celui qui le porte. Ainsi on dit, une charge de cotrets, de fagots ; pour dire, 18 ou 20 cotrets ou fagots, que peut porter un Crocheteur. Une charge de charbon contient deux mines. Une charge de blé. La charge d’un mulet c’est 400 livres ; d’un chameau, c’est mille livres. Ce vaisseau a sa charge ; pour dire, il en a autant qu’il en peut porter. La charge des carraques de Portugal est de deux mille tonneaux, c’est à-dire, qu’elles portent quatre millions de livres pesant. Ce vaisseau n’a pas trouvé en ce port des marchandises pour sa charge, il en est sorti avec demi-charge. On appelle Vaisseaux de charge, ceux qui suivent une armée navale pour porter les munitions & les provisions.

Charge, se prend encore pour une certaine mesure ou quantité de choses qui sont dans le commerce. La charge de Marseille est composée du poids de trois cents livres. Celle d’Arles est du même poids. La charge de S. Gilles est de dix-huit à vingt pour cent plus grande que celle d’Arles. La charge de Tarascon est de deux pour cent plus foible que celle d’Arles. La charge de Toulon est composée de trois setiers du pays ; chaque setier contient une hémine & demie, & est égal à celui de Paris.

Charge, signifie aussi l’action de charger. Impositio oneris. Pour la navigation des rivières il y a trois jours de charge, ou de planche, & autant pour la décharge ; c’est-à-dire, pour donner le loisir aux Marchands de charger & de décharger.

Charge, en termes de l’art militaire, signifie le choc de deux armées qui en viennent aux mains. Pugna. On dit en ce sens la première, la seconde charge. La charge a été rude, vigoureuse. Sonner la charge. Bellicum canere, donner le signal du combat. Soutenir la charge. Retourner à la charge.

En ce sens on dit figurement, qu’on retourne à la charge, ☞ quand on fait une nouvelle tentative, quand on fait de nouveau la même demande qui a été déja refusée. Rem eamdem post repulsam denuò petere.

Charge est aussi une certaine mesure de poudre qu’on met dans les armes à feu pour leur faire faire leur effet. Pulveris ac globi tormento displodendo modus. La charge de canon est environ la troisième partie du poids de son boulet. La charge d’une mine est ordinairement un millier de poudre ; mais on la proportionne à la nature & au poids du terrain qu’il faut qu’elle enlève. On donne double charge aux canons pour les essayer.

Charge, se dit aussi des fournimens qui sont attachés aux bandoulières des Mousquetaires, qui servent à donner la charge à un mousquet. Pulveris ac plumbi areæ fistulæ displodendæ modus, pulveris pyriitheca. Ces fournimens ne sont autre chose que plusieurs petits étuis couverts de veau, dans chacun desquels les soldats renferment ce qu’il faut de poudre pour charger leurs armes à feu. Ouvrir la charge avec ses dents.

Charge, se dit figurément de tout ce qui ☞ donne lieu à l’exercice des facultés de l’ame, & dans ce sens, ainsi que dans le propre, il emporte avec lui une idée de contrainte. On le dit de tout ce qui est onéreux. Onus. L’action de l’esprit s’étouffe par trop d’étude ; c’est une charge qui l’accable. Mont. Il est mal-aisé de bien aimer ceux qui nous sont à charge. Vaug. Une vieille fille est à charge aux autres, & à elle-même. Le Grand Théodose refusa l’Empire, & l’on remarqua que ce n’étoit point par une vaine cérémonie, mais par une véritable sagesse, qui lui faisoit regarder cet honneur comme une charge difficile. Fléch.

C’est une charge bien pesante,
Qu’un fardeau de quatre-vingts ans. Quinaut.

Une tutelle est une charge, & non pas un avantage. Cette veuve a cinq enfans à sa charge ; c’est-à-dire, qu’elle est obligée de les nourrir, entretenir & avancer. Cet importun est à la charge de ses amis, c’est-à-dire, qu’il leur emprunte, & qu’il vit à leurs dépens. Une Abbaye régulière est un bénéfice à charge d’ames. Les secrets, soit les nôtres, soit ceux que l’on nous confie, peuvent encore porter le nom de charge, à cause de la peine que les indiscrets ont à les garder.

L’homme indiscret, dont la bouche imprudente,
Dépose d’un secret la charge trop pesante,
Voit bientôt son secret follement confié ;
Par d’indiscrets amis à d’autres publié. Vill.

Charge, se dit en ce sens des clauses & conditions qui sont stipulées par un acte ou contrat, ou qui sont naturellement attachées à la chose dont on traite. Lex, conditio. Il a vendu cette terre à la charge d’une telle servitude, à la charge de payer tels & tels créanciers, à la charge du réméré, eâ lege, eâ conditione. On donne tous les baux à la charge de cultiver & entretenir les lieux en bon père de famille. Il lui a fait ce plaisir à charge d’autant.

Charges d’un testament, sont des engagemens que le Testateur impose à l’héritier ou autre, à qui il fait quelque libéralité par son testament, comme s’il charge son héritier ou un légataire d’un usufruit, d’une servitude, ou d’une rente viagère en savent d’une tierce personne.

Charges de la Communauté, sont des dettes mobiliaires qui doivent être acquittées par la communauté des conjoints.

Charge, signifie aussi, pension, rente, redevance dont une chose est tenue envers une autre. Onus, impensa. Il a quitté le Bénéfice à cause de ses charges. Il doit une rente de cent setiers de blé, c’est une grosse charge. Il ne vaut pas cent écus, toutes charges faites. Cette redevance est une charge foncière. Les charges foncières sont les redevances qu’on a imposées après le cens, sur les héritages lorsqu’ils ont été aliénés. Census secundarius, census. Les charges foncières doivent être payées & supportées par celui qui possède l’héritage qui a été aliéné ; sinon il le doit abandonner. Loiseau.

Charge réelles, & redevances annuelles, sont des droits dus par les héritages, comme le cens, le surcens ou rente foncière, le champart ou autres, selon la disposition des coutumes, ou l’usage des lieux.

Charge, est encore un impôt, une levée de deniers pour fournir aux dépenses & aux nécessités de l’Etat, d’une Communauté. Tributum, vectigal. C’est