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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/473

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CHA

☞ On dit d’invincibles charmes. La gloire a des charmes invincibles pour les cœurs ambitieux. Les charmes ne deviennent véritablement invincibles, que par la solidité du mérite & la force du goût.

☞ Ce mot s’emploie aussi au singulier dans cette dernière signification, quoiqu’assez rarement. La nouveauté a un charme dont on se défend malaisement. S. Évr.

☞ CHARME. s. m. Carpinus. Arbre de haute tige, qui pousse des branches dès la racine & qui sert ordinairement à faire des palissades. Son tronc est médiocrement gros. Son écorce est bise, son bois dur, compacte & blanchâtre. Ses feuilles sont assez semblables à celles de l’orme ordinaire : mais elles sont un peu plus étroites, lisses des deux côtés, de couleur vert-gai en dessus, dentelées sur les bords, & comme épineuses. Au Printemps les branches sont chargées de chatons, longs de deux pouces environ, composées de plusieurs écorces couvertes en dessous d’étamines jaunes. Ses fleurs sont stériles : les fruits viennent dans des épis séparés, qui naissent cependant sur la même branche. Ces épis sont des festons longs comme le doigt, formés de feuilles roussâtres, entre lesquelles sont contenues des fruits pyramidaux, de quatre à cinq lignes de largeur à leur base, cannelés dans leur longueur, aplatis, ligneux, garnis d’une petite couronne. Ils renferment chacun une graine oblongue. Le charme sert à faire des aissieux & des formes. Le charme qu’on met en palissade s’appelle charmille.

☞ CHARMER. v. a. Produire un effet extraordinaire sur quelque chose, ou sur quelque personne par charme, par un prétendu art magique. On dit que les sorciers charment les armes, les empêchent de tirer. On dit mille autres choses ridicules de cette espèce. L’Ordonnance des Eaux & forêts défend de charmer les arbres, c’est-à-dire, de les faire mourir malicieusement.

☞ Ce mot vient du latin carminare, ou carminibus incantare.

Charmer, se dit dans un sens figuré pour, plaire extrêmement. Ce n’est pas ravir en admiration, comme disent les Vocabulistes, d’après l’Académie ; c’est faire une impression très-forte sur le cœur, se faire rechercher par un mérite réel ou prétendu. Allicere se ad se, illicere. Cette femme charme tous ceux qui la regardent. Cette musique m’a charmé. L’éloquence de Cicéron charme & le fait aimer : celle de Demostène frappe, étonne & se fait obéir. P. Rap. Charmé de ses vertus éminentes, je m’affectionnai sans y penser à sa réputation & à sa gloire. Flech. La vraie éloquence n’éclate jamais par des couleurs empruntées ; c’est par les traits de sa beauté naturelle qu’elle charme & qu’elle persuade.

☞ On dit encore au figuré, charmer la douleur, charmer l’ennui, en suspendre le sentiment, le diminuer. Delinire, mollire, sedare dolorem, tristitiam. Charmer les ennuis d’une longue nuit. Spatiosam fallere noctem. Il faut se faire des plaisirs par lesquels on puisse charmer les ennuis de la solitude. La Poësie, en délassant l’esprit, charme les chagrins de l’ame par son harmonie, & par toutes les grâces de l’expression. P. Rap.

☞ CHARMÉ, ÉE. part. Il a les significations du verbe. Fusil charmé, dont on arrête l’effet naturel par une opération prétendue magique, par certaines compositions accompagnées de paroles. Ce qu’on appelle proprement charme.

☞ Arbres charmés, en termes d’Eaux & forêts, sont des arbres qu’on a cernés ou creusés, ou auxquels on a fait quelqu’autre chose pour les faire périr.

CHARMEUR. s. m. Sorcier qui a la vertu ou la réputation de charmer. Magus, veneficus. Il n’est pas d’usage.

CHARMEUSE, se dit en burlesque d’une femme qui se fait aimer. Mulier illecebrosa. Corneille s’en est servi dans l’Illusion comique. Juge alors quel désordre aux yeux de ma charmeuse, &c. Corneille ne l’a pas mis à la mode.

CHARMIE. s. f. Ce mot, qui n’est plus en usage, veut dire chemise. Indusium, tunica interior.

CHARMILLE. s. f. C’est du plant de charme qu’ont élève, pour faire des palissades. On donne aussi ce nom aux pallissades mêmes qui sont plantés de charme. Carpinea virgulta. Il a acheté un milier de charmille. Votre charmille borde agréablement ces allées.

CHARMOYE, ou CHARMOIE. s. f. Mot dont on se sert pour signifier un lieu planté de charmes. Carpinetum.

CHARNAGE. s. m. Temps où il est permis de manger de la chair, temps opposé aux jours d’abstinence. Tempus quo vesci carnibus licitum est. Terme populaire.

Charnage, se dit aussi en fait de dîmes. Decimæ carnariæ. Cet Abbé a les dîmes des lainages & charnages, c’est-à-dire, des toisons, des moutons, des agneaux, des cochons, &c. On a appelé en latin carnatum de porcis, la dîme des cochons.

CHARNAIGRES, en termes de Chasse, est une espèce de chiens métifs, ou chiens courans, qui chassent de gueule, qui rident, qui forcent les lapins dans les broussailles. Voyez Lévrier.

☞ CHARNEL, ELLE. adj. Qui appartient à la chair, qui a rapport à la chair. Carnalis. On ne le dit guère que dans ces phrases. Appétit charnel. Plaisir charnel. En style de Pratique, copulation charnelle. S. François se rouloit dans la neige pendant les accès de sa convoitise, pour résister aux tentations de la volupté charnelle.

☞ CHARNEL, s’est dit autrefois pour parent, qui tient à quelqu’un par les liens du sang, de la chair.

☞ Charnel, se dit aussi par opposition à spirituel. Homme charnel, sensuel, qui est plus attaché aux choses mondaines & terrestres, ou aux plaisirs du corps, qu’à ceux de l’esprit. Voluptius, rebus quæ sensibus percipiuntur ; quæ sub sensus cadunt, serviens, deditus, voluptatibus deditus. Les hommes charnels & sensuels ne goûtent point les choses de la Religion. Les Juifs charnels n’avoient qu’un amour servile & mercenaire ; ils n’aimoient Dieu que pour la fertilité de la terre de Chanaan. Fenel. Parmi cette multitude d’hommes charnels qui remplissent l’Eglise visible, il est impossible qu’on n’y voie des exemples de tous les déréglemens des hommes. Port.-R. Le joug des cérémonies de la Loi Mosaïque contribuoit à détacher les Israëlites du culte charnel de la Loi. Cl.

CHARNELLEMENT. adv. D’une manière charnelle. Impurè, libidinosè. Il a eu affaire charnellement avec cette fille. Style du Barreau. Rem habere cum aliquâ. On dit figurément, vous ne considérez les choses que charnellement, c’est-à-dire, selon que les sens les représentent, ou par rapport à des vues mondaines & temporelles. Quantùm sub sensus res cadunt, sensibus percipiuntur ; pro sensuum judicio.

☞ CHARNEUX, EUSE. adj. Terme de Médecine, qui désigne des parties composées principalement de chair, comme les joues, les fesses, & en général tous les muscles. carneus. Le cœur est une partie charneuse. On le dit par opposition aux parties osseuses.

Charneux, carneus, & Charnu, carnosus, carnulentus, ne sont point synonymes. Charneux, qui est composé principalement de chair. Charnu, qui est bien en chair, bien fourni de chair.

☞ CHARNIER. s. m. Endroit couvert auprès ou autour des Eglises paroissiales, où l’on met les os des morts. Ossium conditorium. Les charniers des Innocens, des Saints Innocens, populairement de Saint Innocent. Il y avoit autrefois de ces sortes de charniers auprès des Eglises paroissiales.

☞ Aujourd’hui on appelle charnier, une gallerie qui règne ordinairement autour des Eglises paroissiales,