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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/477

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CHA

Dans la basse latinité, on a dit, carruca, & carrucata. On y attèle des bœufs, des chevaux pour la tirer. Il étoit défendu par la Loi de Moise, d’atteler un bœuf & un âne à la charrue. Les Dictateurs de Rome se tiroient quelquefois de la charrue, & la reprenoient quand l’expédition étoit achevée, moins par choix d’une condition tranquille & innocente, que pour être accoutumés à une sorte de vie si inculte. S. Evr.

Et la postérité d’Alfane, ou de Baïar,
Sans respect des aïeux dont elle est descendue,
S’en va porter la malle, ou tirer la charrue. Boil.

Être à la charrue, c’est être actuellement ou habituellement occupé à labourer avec une charrue. Ainsi l’on dit en deux sens, il est à la charrue. Que fait ce valet chez vous ? Il est à la charrue, c’est à-dire, c’est lui qui conduit la charrue dans la saison ; & Maturin est à la charrue, c’est-à-dire, est actuellement dans un champ, qu’il laboure.

Ce mot vient de carruca, latin. Nicot. Quelques-uns le dérivent de aratellum, comme qui diroit, char propre pour arer. Ce mot arer se dit encore en termes de Marine, lorsque l’ancre ne tient pas ferme dans le sable, & qu’elle y fait des sillons.

On appelle une terre à une, deux ou trois charrues, quand elle a assez d’étendue pour occuper le labour de tant de charrues. Solum quo in arando, vel duo, vel tria aratra occupantur. Il est défendu aux Nobles de faire valoir par leurs mains des terres à plus de deux charrues. On l’appeloit autrefois carruée ou charruée. ☞ Dans ce sens, charrue est proprement l’étendue de terre que peut labourer par an une charrue.

Charrue de Jardin, est une machine composée de trois morceaux de bois enchâssés l’un dans l’autre, & d’un fer tranchant posé un peu de biais, pour mordre un pouce sur la superficie des allées. Cette machine est ordinairement traînée par un cheval, & sert à nettoyer les allées, à couper & à déraciner les herbes qui y naissent.

On dit proverbialement, mettre la charrue devant les bœufs ; pour dire, changer l’ordre naturel des choses, & mettre au commencement ce qui devoit être à la fin. On appelle un cheval de charrue, un homme grossier & stupide. On dit aussi, j’aimerois autant être à la charrue, tirer la charrue, en parlant d’un emploi fort pénible, fort laborieux. On appelle aussi une charrue mal attelée, ou une charrue à chiens, des gens qui sont liés par quelque société, & qui s’accordent mal ensemble.

CHARRUYER. Vieux mot. s. m. Qui charroie. Charretier. Carri ou plaustri ductor, ou plutôt, qui conduit la charrue, Laboureur. Arator, Agricola.

Ne les Princes ne sont pas dignes
Que les cœurs du ciel donnent signes
De leur mort, plus que d’un autre homme ;
Car leur corps ne vaut pas deux pommes
Envers le corps d’un Charruyer,
Ou d’un Clerc ou d’un Ecuyer. Rom. de la Rose.

CHARS. Petit canton du Vexin-François. Voyez la Descript. Geogr. & Hist. de la Haute Norm. tome 2, p. 240.

CHARTE. Voyez CHARTRE.

CHARTE. s. f. Se trouve dans nos anciens Poëtes, pour, lettre, épitre. Charta, epistola.

CHARTE-PARTIE. s. f. Terme de Marine. C’est l’acte d’affrétement sur l’Océan, ou de nolissement sur la Méditerrannée. C’est un écrit contenant la convention pour le louage d’un vaisseau, ou la lettre de facture, & le contrat de cargaison du vaisseau. Nauticæ rationis dividuum folium. Elle doit être rédigée par écrit, & passée entre les Marchands & le Maître ou les Propriétaires du bâtiment. Elle doit contenir le nom & le port du vaisseau, celui du Maître & de l’Affréteur, le prix du fret, & les autres conditions dont les parties seront convenues, comme il est porté par le Livre III de l’Ordonnance de la Marine. Dans cet acte, les Capitaines & les Officiers confessent avoir reçu un tel navire bien & dûement calfaté, étanché, victuaillé, munitioné & agréé pour un tel voyage. La charte-partie est distinguée d’avec le connoissement, parce que celle-là se fait pour l’entier affrètement du navire, & pour l’aller & pour le retour ; au lieu que le connoissement n’est fait que pour une partie de la charge, & se fait par une promesse particulière pour l’aller ou pour le retour seulement. Le Président Boyer dit que ce mot vient de ce que per medium carta incidebatur, & sic fiebat carta partita ; parce qu’au temps que les Notaires étoient moins communs, on n’expédioit qu’un acte de la convention qui servoit aux deux parties. On le coupoit en deux, pour en donner à chacune sa portion. Elles les rassembloient au retour pour connoître si elles avoient satisfait à leurs obligations. Ce qu’il atteste avoir vu pratiquer de son temps encore de même qu’en usoient les Romains dans leurs stipulations, au rapport d’Isidore, qui rompoient un bâton, dont chacun gardoit un morceau pour en conserver la marque.

CHARTIER. Voyez Charretier.

CHARTIL. s. m. Grande & longue charrette, dont les paysans se servent pour transporter leurs gerbes en la grange. Carrus longior. Il vaut mieux dire avec Richelet, charti ; & ce mot signifie proprement le corps de la charrette.

Chartil est aussi un lieu couvert dans une basse-cour, où l’on met à couvert les charrettes, charrues, herses, & autres choses servant au labour, Carrorum, plaustrorum receptaculum.

CHARTON. s. m. Vieux mot, qui signifioit autrefois un cocher, ou celui qui menoit un char, ou une charrette. Plaustri, vel currus ductor.

CHARTOPHYLAX. s. m. Nom d’Office dans l’Eglise de Constantinople. Chartophylax. Codin appelle le grand Chartophylax, le Juge de toutes les causes, & le bras droit du Patriarche ; & Balsamon, la bouche & les lèvres du Patriarche. Codin dit aussi qu’il étoit le dépositaire & le garde de toutes les Chartes qui regardoient les droits ecclésiastiques ; qu’il présidoit à la décision des causes matrimoniales, & qu’il étoit Juge des Clercs. Théodore Balsamon dédia son Commentaire sur les Canons à George Xiphilon… Théodore étoit né à Constantinople, & dès-lors Nomophylax & Chartophylax, c’est-à-dire, garde des Loix & des Chartes de Sainte-Sophie, & premier Prêtre des Blaquernes, mais il n’étoit pas encore Patriarche d’Antioche. Fleury. Leunclavius & d’autres se sont trompés, quand il le confondent avec le Chartulaire. C’étoient deux Offices fort différens, & le Chartulaire étoit bien au-dessous du Chartophylax. C’étoit le Chartophylax qui rédigeoit les sentences & les décisions du Patriarche, qui les signoit, & y apposoit le sceau. Il présidoit au grand Conseil du Patriarche, & connoissoit de toutes les causes & matières ecclésiastiques, tant du peuple que du Clergé & des Moines. Il avoit séance avant les Evêques. Dans certaines cérémonies il montoit le cheval du Patriarche ; il avoit sous lui douze Notaires à son service. Enfin, nulle autre dignité n’avoit tant de prérogatives & de si beaux droits. Le Garde-Charte, ou Chartophylax, étoit à Constantinople ce que le Bibliothécaire étoit à Rome. Il portoit les mêmes ornemens que les Ministres Ecclésiastiques, & en faisoit les fonctions. C’étoit lui qui présentoit au Patriarche tous les Evêques & les Clercs étrangers, toutes les lettres, tous ceux qui devoient être pourvus d’Evêchés, d’Abbayes, ou promus aux Ordres : tous devoient avoir son