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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/745

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Compagnie, en termes de négoce & d’affaires, se dit d’une société de Marchands qui se fait pour établir un grand négoce ou une grande manufacture, pour entreprendre & conduire des opérations quelconques de commerce. On le dit de même d’une société de gens d’affaires.

Dans les Provinces-Unies il y a deux Compagnies des Indes, l’une pour les Indes Orientales, & l’autre pour les Indes Occidentales. La première fut établie en 1602. Le motif des États fut, que les Compagnies particulières se nuisoient les unes aux autres, & qu’une seule ayant toutes les forces réunies des autres, seroit plus capable de résister aux Espagnols. Cet établissement eut tout le succès qu’on en attendoit. La Compagnie étendit son commerce jusqu’à la Chine, & fit des conquêtes considérables. Batavia est la capitale de tous les États que possède la Compagnie dans les Indes. Le Général de la Compagnie y réside. Elle est gouvernée par seize Directeurs, qui agissent comme Souverains dans tout ce qui regarde la Compagnie. Elle fait la paix & la guerre, envoie des Ambassadeurs, équippe des flottes, & entretient des armées, indépendamment des États : c’est un État dans l’État même, & une République dans la République. Le fonds de la Compagnie des Indes, quand elle fut établie, étoit de cinq millions six cens mille livres. La Chambre qui fut établie à Amsterdam y entra pour une moitié, celle de Zélande pour un quart, celle de Delft & de Rotterdam ensemble pour un huitième, celle d’Enchuse & de Horn pour un huitième. La Compagnie des Indes n’ayant été établie que pour vingt ans, ses Lettres d’érection furent renouvellées pour vingt & un ans sur la fin de 1622 avec quelques changemens dans les conditions. Le temps porté par les Lettres-Patentes étant expiré, elles furent renouvellées en 1647 pour vingt cinq ans ; elles le furent encore en 1665, pour jusqu’à la fin du siècle, sous les mêmes conditions contenues dans les dernières Lettres ; & en 1698, elles furent encore renouvellées sous les mêmes conditions, pour quarante ans inclusivement, à commencer en 1700.

La Compagnie pour l’Occident fut établie en 1727 sur le même plan, & en vertu d’un privilège & d’une concession des États, elles sont l’une & l’autre sous la protection des États.

Il y a encore en Hollande d’autres Compagnies semblables pour le commerce, qui sont les Compagnies de Surinam, du Nord, de Groenland, de la mer Baltique, &c.

Compagnie des grilles. On nomme ainsi à Gênes une association de Marchands pour le négoce des Nègres de l’Amérique Espagnole.

Il y a aussi en France, & dans plusieurs autres États, des Compagnies de Commerce.

☞ Plusieurs personnes jointes pour aller ensemble, dit M. l’Abbé Girard, font la troupe. Plusieurs personnes séparées des autres pour se suivre & ne se point quitter, font la bande. Plusieurs personnes réunies par l’occupation, l’emploi, ou l’intérêt font la Compagnie.

☞ Une troupe de Comédiens, une bande de violons, & la compagnie des Indes.

☞ Il faut toujours prendre l’intérêt de la Compagnie où l’on est engagé.

☞ Billets de Compagnie, sont des billets faits pour emprunter de l’argent au nom d’une Compagnie, & qui sont souscrits par un ou plusieurs Associés.

En termes d’Arithmétique, on appelle Règle de compagnie, une règle de trois composée, qui sert à trouver quelle part peuvent avoir à la perte ou au gain, chacun des Marchands qui ont une Compagnie, à proportion des fonds qu’ils y ont mis, & du temps qu’ils y sont entrés.

Compagnie, en termes de Guerre, est un certain nombre de Soldats ou de Cavaliers, commandés par un Capitaine. Armatorum caterva, manus, cohors, centuria, manipulus, pour l’Infanterie ; turma, pour la Cavalerie. Le nombre en est tantôt plus grand, tantôt plus petit. Une Compagnie de Cavalerie est de 40 à 50 Cavaliers : celles d’Infanterie sont de 50 Soldats dans les Régimens ordinaires. Elles étoient de 100 hommes en 1671. Aux Gardes, y en a jusqu’à 120, aux Gardes Suisses, il y en a jusqu’à 200, & plus. Les Régimens sont composés de compagnies.

Compagnie Franche, terme de guerre. Cohors, ou turma libera. C’est une compagnie qui n’est point enrégimentée, qui ne fait point partie d’un Régiment. Les Compagnies Franches sont ordinairement plus nombreuses que les autres. Sous un Capitaine habile les Compagnies Franches font souvent de fort belles actions & très-hardies. Les troupes Suisses qui sont en France, consistent en plusieurs Régimens & en quelques Compagnies non enrégimentées, & qu’on appelle pour cela Compagnies Franches. P. Daniel. Les Compagnies Franches prennent l’ordre de leur Capitaine, comme les autres de leur Mestre de Camp, ou Colonel.

Compagnies d’ordonnance. Ce sont des Compagnies franches qui n’entrent jamais en Corps de Régiment ; elles consistent en Gendarmes & Chevaux-Légers du Roi, de la Reine, de M. le Dauphin, de Monsieur, &c. Turma Cataphractorum, turma gravis equitatûs. Les Compagnies des Gendarmes, étoient autrefois composées de gens pesamment armés, ou de toutes pièces, & ; de 50 Gentilshommes. C’est Charles VII qui institua les Compagnies d’ordonnance. Il choisit quinze Capitaines qui auroient sous eux chacun cent lances ou hommes d’armes : chaque homme d’armes devoit être payé pour six personnes, lui compris dans ce nombre, dont trois seroient archers à cheval, un coutillier, un page ou valet. La paye de l’homme d’armes fut réglée à trente francs par mois. Ce fut-là l’établissement de ce qu’on a appelé depuis Compagnies d’ordonnance, parce qu’elles furent instituées par les Ordonnances que le Roi publia sur ce sujet ; & ces Compagnies furent dorénavant données à des Seigneurs & à des Gentilshommes les plus distingués par leur prudence & par leur valeur. P. Dan. T. II, p. 1175.

Compagnies des Gardes. Ce sont les quatre Compagnies des Gardes à cheval, qui ont l’honneur de servir auprès de la personne du Roi, & qu’on appelle Gardes du Corps. Regii stipatores, custodes. On appelle Compagnies aux Gardes, les Compagnies d’Infanterie qui composent le Régiment des Gardes Françoises. Prætorianæ cohortes.

Compagnie Colonelle, est la première Compagnie d’un Régiment d’Infanterie. Primipilum.

Compagnie en second. C’est une Compagnie de Cavalerie détachée d’une autre qui étoit trop nombreuse, & qui ne laisse pas d’escadronner avec elle. Turma equitum socia.

Compagnie signifie aussi la charge de Capitaine. Præfecti centurionis munus. Il a eu permission du Roi de vendre sa Compagnie.

Compagnies, absolument & au pluriel, ou Compagnies blanches, signifie des troupes de brigands & de scélérats qui se formèrent au temps du Roi Jean, & s’assemblèrent sous divers chefs, & qui devinrent fameuses dans l’Histoire de ce temps-là, par leurs brigandages, & par la désolation qu’elles causèrent dans toute la France. Pour s’en défaire, sous le règne suivant, Charles V les envoya servir en Espagne sous du Guesclin qu’elles acceptèrent pour chef. Du Guesclin fit courir le bruit qu’il alloit contre les Maures de Grenade ; & pour le faire croire, il ordonna à tous les Soldats des Compagnies de porter sur leurs habits de grandes croix blanches, pour marquer que leur expédition étoit une espèce de croisade ; & depuis ce temps-là ces Compagnies, tandis qu’elles servirent sous lui, s’appelèrent les Compagnies blanches. Quelques-uns disent que ces brigands sont les Brabançons, Cottereaux, & Routiers, qu’on appela depuis du nom de Compagnies.