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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/827

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CON

CONSACRÉ, ÉE. adj. Ce mot se dit aussi de certains termes, & de certaines phrases particulières qui ne sont bonnes qu’en de certains endroits, & en de certaines occasions. Consubstantiel, transubstantiation, sont des mots consacrés : le premier, pour signifier que le Fils de Dieu est une même substance avec le Père ; & le second pour signifier le changement qui se fait du pain & du vin au corps & au sang de Jesus-Christ par la consécration. Le P. Bouhours, dans la préface de sa traduction du Nouveau Testament, dit qu’il n’a jamais pris la liberté de donner sans nécessité un autre tour à ces Hébraïsmes qui étoient ordinaires aux Apôtres, lors même qu’ils parloient en grec ; comme sont dans l’Evangile, fils de perdition, enfans de lumière, abomination de désolation, portes de l’enfer : & dans les Epîtres vase d’élection, vase de colère, vase de misericorde, enfans de ténèbres, homme de péché, & semblables expressions qui viennent de la langue sainte, qui sont comme consacrées, & qui perdent souvent beaucoup de leur force, quand on les veut expliquer en d’autres termes ou par périphrases. Dépouiller le vieil homme, revêtir le nouvel homme, sont des phrases consacrées pour signifier les deux parties de la régénération, qui consiste à céder de mal faire, & à apprendre à bien faire.

Que tes Citations soient courtes & serrées,
Et n’en change jamais les phrases consacrées. Vill.

CONSANGUIN, INE. On appelle au Palais, freres consanguins, ceux qui sont nés de même pere, par opposition à freres utérins, qui sont seulement nés d’une même mère. Fratres consanguinei. Selon le sentiment commun, les freres germains & consanguins ne peuvent se plaindre du testament inofficieux, qu’en alléguant la turpitude de la personne, qui a été instituée ; mais Van Water, dans ses Observations sur le droit Romain, prétend que les consanguins pouvoient se plaindre de l’inofficiosité, même quand le testament n’étoit point en faveur d’une personne incapable. Dans l’Edit de Constantin qui réforme la loi 21, Cod. de inoff. testam. qui accordoit aux freres & aux sœurs sans distinction, la plainte d’inofficiosité ; le mot de frere germain est souvent mis pour celui de consanguin. Ce qu’il dit dans la suite, qu’il ne pourra intenter cette action que agnatione durante, en est une preuve bien sensible.

Comme on dit au Palais frere consanguin, on dit aussi sœur consanguine, par opposition à sœur utérine. Les sœurs consanguines sont celles qui ont le même pere, mais non pas la même mere. Ces termes ne sont que de Palais.

Ce mot vient de consanguineus, composé de cum & sanguis. Ainsi dans son origine, il signifie ceux qui sont du même sang, dans qui le même sang coule

CONSANGUINITÉ. s. f. Parenté du côté du père. Consanguinitas. Le mariage est défendu par l’Eglise jusqu’au quatrième degré de consanguinité inclusivement : mais par la loi de la nature, la consanguinité n’est point un obstacle au mariage, excepté en ligne directe. La consanguinité finit au sixième ou au septième degré ; excepté pour la succession à la Couronne : en ce cas, la consanguinité se perpétue à l’infini.

CONSAULX. s. m. Mot du vieux langage, qui a signifié Conseil & Consul, ou Echevin.

CONSCIENCE. s. f. Témoignage ou jugement secret de l’ame raisonnable, qui donne l’approbation aux actions qu’elle fait, qui sont naturellement bonnes, & qui lui fait un reproche, ou qui lui donne un repentir des mauvaises. Lumière intérieure, sentiment intérieur, par lequel l’homme se rend témoignage lui-même du bien & du mal qu’il fait. Conscientia. La conscience est ce que nous dicte la lumière naturelle, la droite raison. Quelquefois nous n’avons point d’autre guide pour régler notre conduite, que la conscience, & alors c’est à notre égard l’interprète des volontés de Dieu. La conscience est un Juge incorruptible, qui ne s’appaise jamais : c’est un miroir qui nous montre nos taches ; un bourreau qui nous déchire le cœur. La conscience a ses erreurs, elle a de faux scrupules, & de ridicules inquiétudes. Une bonne action devient mauvaise, si elle est faite contre le dictamen de la conscience. On est coupable, même en agissant selon les mouvemens de sa conscience, lorsqu’on a des règles plus sûres que l’on peut consulter. Celui à qui la conscience présente l’erreur à la place, & sous la forme de la vérité, est cependant obligé à obéir aux ordres, & à suivre les suggestions de sa conscience qui le trompe, s’il n’a point de règle plus sûre qui le puisse déterminer, C’est par cette raison qu’on appelle la conscience le for intérieur. Il y a des consciences timides & délicates, qu’il ne faut point alarmer. S. Evr. Ces troubles, ces remords de la conscience, & ces regrets qui dévorent l’ame, sont figurés par le vautour de la fable qui déchiroit sans cesse le cœur de Prométhée. Le Mait. Il n’y a point de tribunal plus sévère que celui d’une bonne conscience. S. Evr. Il ne faut pas confondre la conscience, cet instinct secret que Dieu donne à l’ame pour l’éclairer, & pour lui faire discerner le bien & le mal, avec les fantaisies & les caprises de notre volonté pervertie ; ni ériger en principes de conscience, les dogmes dont une passion aveugle & opiniâtre trouve à propos de s’entêter. Poiret. Ce n’est plus la joie & la sérénité que le sentiment d’une bonne conscience étale sur le visage ; les passions tristes & austères ont pris le dessus. La Bruy. La flaterie endort le pécheur dans une fausse paix, & dans la tranquillité d’une conscience trompée. Flech. La voix de la conscience, quelque droite qu’elle paroisse, ne doit jamais prévaloir contre les décisions de l’Eglise.

☞ Il est bien certain que la conscience est le meilleur Casuiste que l’on puisse consulter ; ce n’est que quand on marchande avec elle, qu’on a recours aux subtilités du raisonnement. Elle est la voix de l’ame, comme les passions sont la voix du corps ; ainsi il n’est pas étonnant que ces deux langages se contredisent si souvent. Mais pour fixer les idées dans une matière aussi importante, nous joindrons ici quelques observations avec quelques règles, tirées de Burlamaqui & de Pufendorf.

☞ La conscience n’est proprement que la raison elle-même, considérée comme instruite de la règle que nous devons suivre, ou de la loi naturelle ; & jugeant de la moralité de nos propres actions, & de l’obligation où nous sommes à cet égard, en les comparant avec cette règle, conformément aux idées que nous en avons.

☞ Souvent aussi l’on prend la conscience pour le jugement même que nous portons sur la moralité de nos actions : jugement qui est le résultat d’un raisonnement complet, ou la conséquence que nous tirons de deux prémisses, ou directement exprimées, ou tacitement conçues. On compare ensemble deux propositions, dont l’une renferme la loi, & l’autre l’action dont il s’agit, & l’on en déduit une troisième, qui est le jugement que nous faisons de la qualité de notre action. Tel étoit le raisonnement de Judas. Quiconque livre à la mort un innocent, commet un crime ; voilà la loi : Or, c’est ce que j’ai fait ; voilà l’action. J’ai donc commis un crime ; voilà la conséquence, ou le jugement que sa conscience portoit sur l’action commise.

☞ La conscience suppose donc la connoissance de la loi, & en particulier celle de la loi naturelle, qui étant la source primitive de la justice, est aussi la règle suprême de notre conduite ; & comme les loix ne peuvent nous servir de règle, qu’autant qu’elles sont connues, il s’ensuit que la conscience devient ainsi la règle immédiate de nos actions ; car il est bien évident qu’on ne peut se conformer à la loi qu’autant qu’elle est connue.