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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/849

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CON

commença à élever les murailles ; mais étant venu à Byzance, il fut charmé de sa merveilleuse situation, il changea de dessein, & résolut de bâtir en ce lieu la ville qu’il méditoit. Cependant, parce que Constantin la prit sur Licinius, quelques-uns ont dit qu’il l’avoit rebâtie comme un monument de sa victoire. En effet il commença à y faire travailler peu après, c’est-à-dire, l’an 326, & il la fit solennellement dédier l’an 330, indiction troisième, le lundi 11 de Mai l’an 1080, depuis la fondation de Rome, & par conséquent l’an 981, après la fondation de Byzance, s’il est vrai qu’elle fut bâtie par Byzas, Roi de Thrace, la troisième année de la trentième olympiade, qui est l’an 99 de la fondation de Rome. Cette nouvelle ville fut appelée en grec, qui étoit la langue du pays, Κωνσταντίνου πόλις Ville de Constantin. Delà se fit en latin Constantinopolis, & en françois dans la suite, Constantinople. ☞ Constantin ayant dans la suite divisé les États en Empire d’Orient & en Empire d’Occident, Constantinople fut la capitale de l’Empire d’Orient, & elle a subsisté aussi sous 76 Empereurs, jusqu’à Constantin Paléologue, détroné par Mahomet II, en 1453, qui en fit la capitale de l’Empire Ottoman. L’Archevêque de Constantinople n’a eu le titre de Patriarche qu’au premier Concile de Constantinople en 385. Nous avens beaucoup d’anciennes monnoies de bronze fort petites, sur lesquelles on voit d’un côté un buste de femme armée d’un casque & d’une cuirasse, avec une espèce de sceptre à gauche qu’elle tient droit de la main. L’inscription est Constantinopolis. Au revers est un Ange qui de la main droite tient un sceptre semblable à celui de la femme, & appuie sa main gauche sur un bouclier qui porte à terre : à ses piés à droite, il a une pouppe de navire, & quelquefois une branche de palme. Dans l’éxergue plc, ou con, & une ou deux étoiles, trp, & une étoile, ou quelques autres lettres ; car il y en a de bien des sortes. Constantinople fut aussi nommée la Nouvelle Rome. Sa dédicace se célébroit tous les ans comme un jour de fête, par des jeux solennels. L’enceinte des nouveaux murs ne fût que de quinze stades, qui font environ trois quarts de lieues ; mais elle fut augmentée par les Empereurs suivans. Constantin y attira des habitans de l’Ancienne Rome & des Provinces, & lui donna de grands revenus, tant pour l’entretien des bâtimens, que pour la nourriture des Citoyens. Il y établit un Sénat des Magistrats, & des Ordres du peuple, de même que dans l’Ancienne Rome. Elle étoit divisée, comme celle là, en 14 régions ou quartiers, & ornée des mêmes sortes d’édifices publics, hormis les temples. Il y avoit plusieurs places environnées de galeries couvertes, deux Palais pour l’Empereur ; un cirque ou hippodrome pour les courses des chevaux ; des stades ou carrières pour les courses à pié ; un amphithéâtre pour les combats des bêtes ; des théâtres pour les autres spectacles ; plusieurs portiques pour les promenades, des bains, des aqueducs, des fontaines en grand nombre ; un capitole, où les Professeurs des Arts avoient leur auditoire ; un prétoire, & plusieurs basiliques, où l’on s’assembloit pour les affaires ; des greniers publics ; & sur-tout il fit consacrer à Dieu tous les temples. La principale Eglise fût dédiée à la Sagesse Eternelle, & eut le nom de Sainte Sophie, qu’elle garde encore. Il y en eut une des douze Apôtres, d’autres de Sainte Irene, de Sainte Euphémie, de S. Mocius, de S. Procope, de S. Acace, de S. Agathonique, de S. Diomède, de S. Jean l’Evangéliste, de S. Michel, &c. Il y mit aussi une très-belle bibliothèque.

Constantinople est la plus belle ville du monde par sa situation, & pour ses vues. Son port passe aussi pour être le plus beau & le plus sûr du monde.

Le plan de cette grande ville est triangulaire. Le côté du port est long de 4 milles, celui de l’Hellespont d’autant, & le côté de la terre est plus grand d’un mille que les autres. Le serrail qui est un petit triangle de deux milles de retraits, compris dans la ville, est au bout du promontoire chrysocéras, qui se nomme aujourd’hui la pointe du serrail, où se joignent les deux premiers côtés, qui lui sont communs avec les murs de la ville. Les bâtimens en sont reculés jusques sur le haut de la colline, & au dessus des jardins qui s’étendent jusqu’au bord de la mer. L’apparence extérieure n’en est pas bien belle, parce que l’architecture n’en est pas fort régulière, & que ce sont des appartemens détachés en forme de pavillons & de dômes. Du côté du port sont les portes secrettes, qui ne servent qu’à l’usage du Grand-Seigneur & de ses femmes, & les remises de ses brigantins & de ses caïques. Il y a aussi sur le rivage un de ces pavillons que les Turcs appellent Kiosk, soûtenu de douze belles colonnes de marbre, & enrichi d’un superbe lambris peint à la persanne, où le Grand-Seigneur vient quelquefois prendre l’air, & jouir de la vue du port. Du côté de l’Hellespont, en allant vers les sept tours, qui font l’angle qui regarde le midi & le couchant, il y a une fontaine que les Grecs ont en si grande vénération, que le jour de la Transfiguration ils n’en font pas boire seulement à ceux qui sont travaillés de la fièvre ; mais ils les enterrent encore dans le sable qui est autour, croyant, par ce moyen, les soulager de leurs maladies. La grande porte du serrail est du côté du septentrion, gardée par des Capidgis. Sainte Sophie en est si proche, que la sacristie, qui servoit autrefois à cet auguste Temple, sert maintenant de magasin d’armes. Dans la première cour du serrail, on la voit à main gauche, & les infirmeries du serrail vis-à-vis de l’autre côté.

De cette cour on entre dans une plus grande, dont la porte est gardée avec le plus grand soin, & elle conduit au Divan par une belle allée d’arbres. Le trésor du Grand-Seigneur est à main gauche, aussi bien qu’une fontaine où l’on fait couper la tête à tous les Bachas que le Grand-Seigneur fait mourir publiquement.

Un peu au-delà de Sainte Sophie, dont nous parlons au mot Sophie, sont les logemens des Dgebedgis. Il y a aussi une vieille tour, qui étoit autrefois un Temple de Chrétiens fort obscur ; on y tient des bêtes, lions, &c. En allant à la Mosquée neuve qui est près de ce lieu, on voit dans une petite rue trois grandes colonnes de marbre blanc, disposées en triangle. Les Chrétiens du pays tiennent par tradition, à ce que Nicéphore rapporte, que Constantin fit ériger trois croix de bronze sur ces trois colonnes, & qu’en chacune il fit graver séparément un de ces trois mots : ΙΗΣΟΥΣ ΧΡΙΣΤΟΣ ΝΙΚΑ Jesus-Christ surmonte, & ils en racontent beaucoup de choses merveilleuses qu’on peut voir dans Du Loir, p. 51 & 52.

La Mosquée neuve qu’ils appellent Ynghi thestschii ou Dgiami, est bâtie sur le haut d’une des sept collines, qui sont comprises dans les murs de Constantinople. Son plan n’est pas moins grand que celui de Sainte Sophie, qui a été le modèle de son bâtiment comme de tous les autres. Quatre gros piliers ronds soûtiennent le dôme, & tout autour des murailles, quantité de colonnes appuient une petite galerie qui n’a pas plus de six piés de large. Les murs jusqu’aux galeries sont revêtus de pièces de façon de porcelaine, & il y a une grande quantité de lampes, de chandeliers, de boules de verre, de petits vaisseaux, de galères & d’autres choses suspendues. Pour y entrer il faut passer par un cloître carré qui a une fontaine au milieu, & dont les galeries sont couvertes de plusieurs dômes soûtenus de 26 colonnes de marbre jaspé, qui ont bien 20 piés de haut.

La principale porte de cette Mosquée regarde l’Hippodrome des Grecs. Cette place se nomme Ameydan, c’est-à-dire, Place des chevaux, parce