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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/889

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CON

☞ On appelle, en morale, raisons de convenance, celles qui sont plausibles & probables, & qui ne sont point démonstratives.

☞ On appelle proprement raison de convenance, une raison tirée de la nécessité d’admettre une chose comme certaine pour la perfection d’un systême, d’ailleurs solide, utile & bien lié ; mais qui sans ce point là se trouveroit défectueux : quoiqu’il n’y ait aucune raison de supposer qu’il pêche par quelque défaut essentiel. Par exemple, un grand & magnifique palais se présente à notre vue : nous y remarquons une symétrie & une proportion admirable : toutes les règles de l’art qui font la solidité, la commodité & la beauté d’un édifice, y sont observées : en un mot, tout ce que nous voyons du bâtiment indique un habile Architecte. Ne supposera-t’on pas avec raison, que les fondemens que nous ne voyons point, sont également solides & proportionnés à la masse qu’ils portent ? Peut-on croire qu’un habile Architecte se soit oublié dans un point si important. Il faudroit pour cela avoir des preuves d’un tel oubli, ou avoir vu qu’en effet les fondemens manquent, pour présumer une chose si peu vrai-semblable. Qui est-ce qui sur la simple possibilité métaphysique, qu’on ait négligé de poser ces fondemens, voudroit gager que la chose est ainsi ?

☞ Le fondement général de cette manière de raisonner, c’est qu’il ne faut pas regarder seulement ce qui est possible, mais ce qui est probable ; & qu’une vérité peu connue par elle-même, acquiert de la vrai-semblance par sa liaison naturelle avec d’autres vérités plus connues. Ainsi les Physiciens ne doutent pas qu’ils n’ayent trouvé le vrai, quand une hypothèse explique heureusement tous les phéiomènes ; & un événement, quoique peu connu dans l’histoire, ne paroît plus douteux, quand en voit qu’il sert de clé & de base unique à plusieurs autres événemens très-certains.

☞ C’est en grande partie sur ce principe que roule la certitude morale, dont on fait tant d’usage dans la plûpatt des sçiences, aussi bien que dans la conduite de la vie, & dans les choses de la plus grande importance pour les particuliers, pour les familles & pour la société entière.

☞ Ces raisons de convenance sont plus ou moins fortes à proportion de la nécessité plus ou moins grande sur laquelle elles se trouvent établies. Plus les vues & le dessein de l’Auteur nous sont connus, plus nous sommes assurés de la sagesse & de ses autres qualités ; plus ces qualités sont parfaites, plus les inconvéniens qui résultent du systême opposé, sont grands ; plus ils approchent de l’absurde, & plus aussi les conséquences tirées de ces sortes de considérations, deviennent pressantes : car alors, on n’a rien à leur opposer qui les contrebalance ; & par conséquent c’est de ce côté là que la droite raison nous détermine.

☞ On appelle aussi raisons de convenance, des raisons de pure bienséance, des égards pour les opinions reçues. Souvent nous n’allons pas chercher si loin les raisons de convenance, nous les trouvons dans une certaine complaisance pour nous-mêmes, dans nos goûts, dans notre état, dans notre santé, & qui pis est, dans nos intérêts.

☞ On voir par là combien il est difficile de donner une notion exacte & précise de ce qu’on appelle convenance. Elle consiste, disent les Encyclopédistes, dans des considérations tantôt raisonnables, tantôt ridicules, sur lesquelles les hommes sont persuadés que sur ce qui leur manque & qu’ils recherchent, leur rendra plus douce ou moins onéreuse la possession de ce qu’ils ont.

Convenance s’est dit autrefois pour accord. L’action de convenir avec un autre de quelque chose. Compositio, concordia ; concurdiæ reconciliatio. On dit aussi convenance, pour promesse, pacte ; & tenir le convenant ; pour dire, faire la chose que l’on étoit convenu de faire.

CONVENANCER, v. a. vieux mot, faire paction, demeurer d’accord par stipulation ou autrement d’une chose qui est disputée entre les parties. Convenancer une fille ou une femme à futur mariage ; c’est-à-dire fiancer. Convenancé, stipulé, d’une certaine manière, coutume locale de la ville & banlieue d’Amiens. Art. 4.

CONVENANT, ANTE. adj. sortable, bienséant. Conveniens, congruens. L’amour, la galanterie, n’est pas une chose convenante à un vieillard. Il n’est plus d’usage.

CONVENANT. s. m. terme fait de l’Anglois convenant, qui est fréquent dans les Auteurs qui ont écrit l’histoire d’Angleterre. Il signifie confédération, ligue, alliance. Fœdus. On appelle convenant la confédération qui fut faite en Ecosse en 1658, pour changer les cérémonies de la religion. Le Parlement d’Angleterre signa le convenant en 1643.

Convenant, ou convenant juré. s. m. Ce mot s’est dit autrefois pour paction, dit Nicod.

CONVENIR, v. n. je conviens, je suis convenu, je convins, je conviendrai, ☞ demeurer d’accord, être du même sentiment. Consentire, fateri, convenire. Tous les peuples conviennent que les sacrilèges, les meurtres & les adultères, sont de grands crimes. Je conviens de tout ce que vous dites. Convenir d’experts, du tems, du lieu.

Convenir signifie aussi être conforme, avoir du rapport, de la ressemblance. Convenire, congruere. Les dépositions des témoins qui conviennent font une preuve. Ce passage convient, a du rapport avec tel autre.

Convenir signifie aussi, être propre, sortable, bienséant. Convenire, congruere. Cet homme est fort habile, une grande charge lui conviendroit bien. Ces discours ne conviennent pas, ne sont pas bienséans à un homme de sa robe. L’instinct de la nature nous porte à ce qui nous convient ; & nous oblige de ramener tout à nous-mêmes. S. Evr. Des mœurs si rudes & si grossières convenoient à la République qui se formoit. Id. II m’offrit plusieurs choses qui ne me convenoient pas.

Convenir, dans cette acception, se conjugué avec l’auxiliaire avoir, & s’employe avec la préposition à, au lieu que quand il signifie demeurer d’accord, il se conjugue avec être, & s’employe avec la préposition de. Cette maison m’a convenu ; & je suis convenu du prix.

Convenir, en matière de délibération, signifie la même chose que être à propos, être expédient, & alors il s’employe personnellement. Convenire, expedire, congruere. On fut long tems à délibérer sur ce qu’il convenoit de faire en une telle conjoncture. On trouva qu’il convenoit de raser la place qu’on ne pouvoit défendre.

Convenir se dit aussi, en Grammaire & en Logique, pour marquer la conformité. Il faut que le nom substantif & l’adjectif conviennent en genre, en cas & en nombre. Convenire, concordare, congruere. Il faut que l’attribut convienne au sujet, l’épithète à la chose.

Convenir, en termes du Palais, signifie assigner en Justice, former une demande contre quelqu’un. Convenire ; in jus vocare. Il a été convenu, assigné en déclaration d’hypothèque.

☞ Dans Rabelais convenir est synonime avec s’assembler. Il est tout latin, Convenire.

CONVENU, UE. part. Congressus, commissus. Les experts convenus, les arbitres convenus ont rapporté, ont jugé, &c.

Convenu, ue, se dit passivement d’une chose dont on est convenu ; arrêté, fixé, déterminé. Ratus, fixus, unanimi consensu receptus. Il y a près de 60 ans que le sçavant Bossuet soûtenoit comme une chose certaine, avérée & convenue entre toutes les parties, que ce jugement du livre de Jansénius a été rendu par le S. Siège, &c. Cette théorie n’est pas encore convenue de tout le monde. Phrase barbare & qui doit être bannie de la langue. On dit : tout le monde ne convient point de cette