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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/935

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COR

de chanvre sans aucun ornement, si ce n’est vers les bords. Il y en a qui disent que le Pape Eusèbe a le premier ordonné l’usage du Corporal ; d’autres disent que c’est Saint Silvestre. Voyez Alcuin, Burchard, Gavantus, Polidore Virgile. Philippe de Comines dit que le Pape envoya au Roi Louis XI le Corporal sur lequel chantoit Monseigneur Saint Pierre. C’étoit la coutume de porter un Corporal aux incendies, & de l’élever contre le feu, pour l’éteindre. Voyez D. Mabillon, Acta Sanct. Ben. sæc. VI, p. I, præf. §. V, n. 46, & Aimoin, LI, de Mirac. S. Benedicti, C. 9.

Ce mot vient de corpus, corps, dont on a fait corporale, comme de pectus, pectorale, & humerale de humerus. On a donné ce nom à ce linge, parce que c’est sur ce linge que se met, que repose le Corps de Notre Seigneur pendant le sacrifice de la Messe. Au reste, ce mot est très-ancien. On le trouve dans tous les Ordres Romains, dans le Sacramentaire de S. Grégoire, dans Saint Isidore, Epist. penult. dans les Capitulaires de nos Rois de l’an 810, n. 431 du Livre VIII, dans Amalaris, L. III, C. 19. Dans le Rit Ambrosien on l’appelle le linceul, Syndon, parce qu’on le regarde comme le linceul dans lequel N. S. fut enseveli.

☞ Le peuple appelle Corporal un bas Officier de guerre qu’on appelle plus communément Caporal. Corporal est constamment l’ancien nom qui a été formé de celui de corps de garde, parce que ce bas Officier y commande au défaut d’autres Officiers. Ce mot est tiré du françois, au lieu que celui de Caporal qu’on y a substitué, & qui est seul en usage parmi les honnêtes gens, est pris de la langue italienne. Voyez les Dial. sur le nouveau langage, pag. 271

CORPORALIER. s. m. C’est la boîte où on serre les corporaux qu’on met sous le calice. Corporalium theca.

CORPORATION, s. f. ☞ Corps politique, espèce de communauté dont tous les membres ne forment qu’un corps, qui ont un sceau commun, & qui sont qualifiés pour agir, acquérir, attaquer ou être attaqués en justice au nom de tous. On a levé dans la corporation de Bristol cinq cens guinées pour les frais du repas, & l’on paroît disposé à ne rien épargner pour rendre la fête brillante. C’est un mot anglois qui ne feroit pas mal dans notre langue, ☞ d’autant plus que nous n’en avons point qui y réponde exactement. Le mot de communauté dit moins. M. Skiner harangua le Prince d’Orange à Oxford au nom de la corporation. Le Pour et Contre.

CORPORÉITÉ. s. f. terme Didactique, qualité de ce qui est corporel, qui constitue un Corps. Corporeitas. La corporéité de Dieu étoit l’erreur capitale des Anthropomorphites. Plusieurs Anciens ont cru la corporéité des Anges. Tertullien est fort éloigné de tenir la corporéité de Dieu. Il est manifeste que par corps, il n’entend autre chose que substance. Les Mahométans reprochent aujourd’hui aux Samaritains d’admettre la corporéité en Dieu. D’Herbelot.

CORPOREL, ELLE, qui a un corps. Corporeus, corporatus, corporalis. La substance se divise en corporelle, & spirituelle. Les objets corporels nous occupent malgré nous, parce qu’entrant par les sens, ils font une impression plus réelle. Jaq. La substance qui pense est trop au dessus de la substance corporelle, pour décider qu’il n’y a d’autre différence entr’elles qu’une modification, ou une situation différente des parties. Id.

Corporel se dit aussi de tout ce qui est relatif au corps, considéré sous cette relation. Qualités corporelles ; peine corporelle, &c.

On appelle plaisirs corporels, ceux qui n’affectent que les sens, à la distinction des spirituels, qui se font sentir à l’ame.

CORPORELLEMENT. adv. à la manière du corps, d’une manière corporelle, qui a rapport au corps. Corporum more. Les Jurisconsultes disent corporaliter. Jesus-Christ est réellement & corporellement dans le Sacrement de l’Eucharistie. Dieu s’est abaissé jusqu’à l’homme, il nous a parlé corporellement & sensiblement, lui, qui par sa nature ne parle point, & ne fait que vouloir, & que penser. Peliss. Punir corporellement. On a pris possession de ce bénéfice réellement, corporellement & de fait.

CORPORENCE. s. f. Madame du Noyer a employé ce mot pour CORPULENCE.

CORPORIFICATION. On dit aussi CORPORISATION. s. f. terme de Chimie. C’est une opération qui redonne aux esprits le même corps, ou du moins approchant de celui qu’ils avoient avant leur spiritualisation. Redintegratio corporis.

CORPORIFIER. v. a. On a dit aussi CORPORISER ; fixer & réduire en corps. In corpus cogere. Il est difficile de fixer & de corporifier le mercure. Les sels volatils se peuvent ramasser & corporifier.

Corporifier signifie aussi donner ou supposer un corps à ce qui n’en a point. Il y a eu des hérétiques qui corporifioient les Anges. Angelos corporeos, corporatos esse existimabant.

CORPORU, UE. adj. vieux mot qui signifie une chose qui donne beaucoup de prise, & a beaucoup de corps. Les navires sont plus éminens & plus corporus que les Galères. M. Du Bellay.

☞ CORPS. s. m. substance étendue, purement passive d’elle-même, capable de toute sorte de mouvement, de forme & de figure. Elle est composée, suivant les Péripatéticiens, de matière, de forme & de privation : suivant les Epicuriens & autres Corpusculaires, d’atomes entrelacés, accrochés les uns aux autres : suivant les Cartésiens, d’une certaine portion d’étendue. Corpus. Voyez Élément, Principe, Étendue.

Ce qui constitue le corps physique, ce sont les trois dimensions, longueur, largeur & profondeur. M. de Ville imprima en 1680 à Paris un Traité sur le sentiment de Descartes, touchant l’essence & les propriétés du corps, où il montre qu’il est opposé à la doctrine de l’Eglise ; que ce sont les mêmes principes que ceux de Calvin & des Calvinistes ; que ces hérétiques en concluent qu’il est impossible que le Corps de J. C. soit dans l’Eucharistie de la manière que l’enseigne l’Eglise Romaine ; & que la conclusion de Calvin seroit bonne, si le principe de Descartes étoit vrai. La pénétration des corps est absurde dans l’opinion des Cartésiens. C’est à eux à accorder cette doctrine avec ce que la Foi nous oblige de croire du mystère de l’Eucharistie. Il est aujourd’hui des Philosophes qui se persuadent & qui tâchent de persuader aux autres qu’aucun de nous n’est sûr métaphysiquement qu’il y ait des corps hors de nous, parce que, disent-ils, il se peut faire absolument & au moins par miracle, que les sensations que nous en avons soient dans nous, sans qu’aucun corps les produise, & par l’opération de Dieu, qui excite en nous ces perceptions. Il est clair que ces prétendus Philosophes ne devroient pas s’en tenir aux corps, & que s’ils pensent conséquemment, ils doivent y ajouter les âmes, & généralement tout ce qui existe hors de nous, & notre propre corps ; & toutes les âmes que nous imaginons exister dans ces hommes que nous croyons voir & entendre. Car je ne juge que cet animal que je m’imagine voir & entendre, est un animal raisonnable ou un homme, que par les raisonnemens & les opérations spirituelles, que je m’imagine lui entendre faire ; or Dieu peut aussi bien mettre en moi cette sensation ou cette perception, qu’il y peut mettre celle du corps dans lequel je suppose qu’est cette ame. Ainsi ces savans Philosophes prétendent que je ne suis sûr métaphysiquement que de l’existence de mon ame, & qu’à l’égard de tout le reste, tout ce que je crois être dans l’Univers corps & ames, n’existe & n’existera peut-être jamais, & que ce n’est qu’une illusion. En convenant avec eux que dans le cas particulier où je puis ne pas être sûr métaphysiquement qu’un autre être existe hors de moi, on ne peut s’empêcher de leur montrer, que s’ils reconnoissent un Dieu, leur proposition géné-