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Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, II.djvu/984

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l’appeloit aussi Cour plénière. Curia suprema Bearnensis. Supremus Bearnensis ditionis Senatus.

Les grandes affaires qui regardoient l’intérêt général du pays y étoient résolues ; & la décision des causes particulières s’y faisoit souverainement par le Seigneur, avec les Evêques & ses Vassaux, ou par ceux d’entr’eux que les parties élisoient, & qui sont appelés les Jurats de la Cour, dans le for de Morlas, & dans les anciens titres latins, Conjuratores & legitimi proceres. L’origine de cette Cour doit être prise des loix Romaines du Code Théodosien, suivant lesquelles les Gouverneurs assembloient les principaux de la Province pour faire les réglemens nécessaires, ce que les Romains appellent agere fora & conventus ; & en ces assemblées, ils rendoient justice avec le conseil de leur Assesseur. Mais plus particulièrement on apprend par l’Edit d’Alaric, Roi des Visigoths, qui confirme ce Code, que la publication en fut arrêtée avec l’avis des Evêques, & des principaux députés du Royaume, de même que les loix Visigotiques furent ordonnées depuis pour l’Espagne, par le Roi Rechesvind, de l’avis des Evêques & des Seigneurs de son Palais ; & en la première & seconde race de nos Rois, les grandes causes furent jugées, & les réglemens faits avec l’avis des Evêques & les premiers Vassaux du Royaume. De Marca, Hist. de Bearn, L. IV, C. 17. L. V, c 3. Cet Auteur décrit l’ordre observé en la tenue de cette Cour, L. VI, c. 23. Elle fut suprimée du temps du Roi Jean, & de la Reine Catherine de Navarre environ l’an 1490, le Conseil souverain lui ayant été substitué. Id.

Cour plénière. On appelle ainsi ces magnifiques assemblées que nos anciens Rois faisoient à Noël & à Pâques, ou à l’occasion d’un mariage ou d’un autre sujet de joie extraordinaire, tantôt dans un de leurs Palais, tantôt dans quelque grande ville, quelquefois en pleine campagne ; toujours en un lieu commode pour y loger les Grands Seigneurs. Tous étoient invités à cette assemblée, & obligés de s’y trouver. Le Gendre. Les Rois portoient dans les Cours plénières un sceptre à la main & une couronne sur la tête, Id. Cet Auteur en décrit les cérémonies dans ses Mœurs des François, p. 23, & suiv. Les Cours plénières furent plus fréquentes sous les Rois de la seconde race, qu’elles ne l’avoient encore été. Elles étoient magnifiques sous Charlemagne. Cette magnificence alla toujours en diminuant depuis le règne de Charles le simple. Son fils & son petit fils avoient si peu de revenu, qu’ils eussent été incommodés de tenir de ces Cours plénières. Hugues Capet les rérablit, Robert continua. Tout modeste qu’étoit S. Louis dans ses meubles, table & habits, il outroit la somptuosité en ces jours de cérémonie. Il s’en falloit néanmoins beaucoup que ces nouvelles Cours plénières eussent la majesté & le lustre des anciennes, parce que les Comtes & les Ducs devenus Princes souverains, en convoquoient d’autres chez eux, & dédaignoient de se trouver à celles qu’indiquoient les Rois. Id. Sous Charles VII, plus de Cours plénieres, les grandes sommes qu’il en coûtoit pour les tenir, furent cause qu’on n’en tint plus. Id.

Cour Royale, c’étoit la même chose que Cour plénière, dont nous venons de parler. Les Rois y paroissoient la courone sur la tête, c’est pourquoi on les appeloit aussi Cours couronnées. On les nommoit encore Cours solennelles, fêtes royales.

Cour Royale, terme de Fleuriste. C’est un œillet brun & blanc, régulièrement panaché : sa fleur est grasse & large, sa plante vigoureuse. Morin.

COURABLE. adj. terme de chasse. Il se dit en parlant des bêtes de chasse, & veut dire celle qui peut être courue, qui est bonne à courre. La taille du lièvre, & celle du cerf sont les plus éloignées de la proportion des bêtes courables. Salnoue.

COURADOUX. s. m. terme de Marine, que quelques-uns séparent en trois mots ; Cour à doux. C’est l’espace qui est entre deux ponts. Dans une galère c’est le lieu où couchent les soldats.

☞ COURAGE. s. m. Animus. Ce mot est regardé comme synonime à valeur, intrépidité, cœur, bravoure. Mais on peut dire que le courage est une ardeur de l’ame qui nous rend impatiens d’attaquer, nous fait entreprendre hardiment & sans craindre la difficulté. Cœur, courage & valeur ont plus de rapport à l’action que les mots bravoure, intrépidité, qui en ont davantage au danger. Le courage fait avancer ; mais il ne faut pas que le courage nous détermine toujours à agir. M. l’Abbé Girard. Syn. Le courage n’est louable que quand il est accompagné de prudence. Ben.

☞ Il se dit des animaux hardis, comme sont les lions, les sangliers, les chiens, les chevaux, les aigles. Ce chien a bien du courage. Le lyon est celui de tous les animaux qui a le plus de courage. Ac. Fr. Du Cange croit que ce mot vient de coragium qui est dit de ce que l’on demande de tout son cœur. Joannes à Janua le dérive de cor & ago. Corragio, en Italien, veut dire la même chose que courage en François.

Courage est aussi une force ou une vertu qui éleve l’ame, & qui la porte à mépriser les périls, à soûtenir les malheurs & les revers de la fortune, ou à souffrir les douleurs avec constance & avec fermeté : c’est cette vigueur nécessaire à l’ame pour exécuter des actions vertueuses, qui, par des obstacles qu’il faut braver, seroient impraticables à des cœurs pusillanimes. Magnanimitas, fortitudo, magnitudo animi, constantia. Quand la fortune se met à persécuter quelqu’un, elle vient à bout du plus ferme courage. S. Evr. La misere & la mauvaise fortune abattent le courage. Port-R. Rien n’a jamais égalé ce courage paisible, qui, sans faire effort pour s’élever, s’est trouvé par sa naturelle situation au dessus des accidens les plus redoutables. Boss. On n’admire rien tant qu’un homme qui sçait être malheureux avec courage. Racine. C’est un spectacle indigne de voir le courage d’un Héros, amolli par des larmes & par des soupirs. S. Evr. Le propre des grands courages est de mépriser la mort, & non pas de haïr la vie. Vaug. La philosophie me doit mettre les armes à la main pour combattre la fortune, & me roidir le courage pour fouler aux piés les adversités humaines. Mont. Son courage mal affermi, & déjà ébranlé par tant de disgrâces, succomba à cette dernière attaque. S. Evr.

Un moment a changé ce courage inflexible. Racine.

☞ Les Poëtes emploient quelquefois ce mot pour esprit. Aigrir les courages pour les esprits, dans Cinna. On peut encore, dit Voltaire, se servir du mot courage dans ce sens.

☞ Le mot de courage est quelquefois déterminé en mauvaise part par les épithètes qui l’accompagnent. Ainsi l’on dit un foible courage, un courage mou, un courage brutal. Animus angustus, demissus, ferox, &c.

Courage se prend quelquefois pour affection. Servir quelqu’un de grand, de bon courage. Il n’a pas fait cela de bon courage. Libenter, libenti animo. Mauvais style.

☞ Quelquefois pour sentiment, passion, dureté, cruauté. Il n’a sçu vaincre son courage. Si j’en croyois mon courage, je t’étranglerois. Ingrat, auras-tu le courage de m’abandonner ? Je fus touché de ses pleurs, & je n’eus pas le courage d’insulter à sa misère. Médée eut le courage de déchirer ses enfans. Atrée eut le courage de faire manger à Thyeste ses propres enfans. Toutes phrases bannies du style noble, grave & sérieux.

☞ On dit familièrement tenir son courage, persister dans son ressentiment, dans son dépit, dans sa haine, dans sa colère. Il avoit juré qu’il ne la ver-