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Page:Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines - Daremberg - V 1.djvu/432

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ralement[1] avec des sommes déposées (aphormé)[2]. Ces θέματα[3] constituent des dépôts irréguliers, remboursables à chaque instant[4], destinés généralement à entrer en virement où en compte courant : le banquier paie certainement un intérêt aux déposants romains[5] ; il leur fournit des cautions, ἐγγυηταί, qui le soutiennent de leur crédit, qui au besoin font liquider en cas de banqueroute[6] et touchent peut-être une part des bénéfices quelquefois plusieurs associés pour une banque[7]. Il y a eu quelquefois plusieurs associés pour une banque[8]. Les livres des banquiers, ὑπομνήματα, τραπεζιτικὰ γράμματα, ἐφημερίδες[9], tenus avec exactitude, constituent en justice des éléments de preuve, et c’est pour cette raison que les banquiers reçoivent souvent des versements sans témoins[10].

Assistés d’employés[11], ils font de nombreuses opérations. En qualité de changeurs, d’essayeurs (ἀργυραμοιβός, καλλυβιστής, δοκιμαστής, ἀργυρογνώμων[12]), ils ont le bénéfice du change, de l’agio (κόλλυβος, ἀλλαγή)[13], de l’essayage des monnaies [mercatura, p. 1768]. En qualité de prêteurs, ils prêtent aux particuliers soit de petites sommes, soit de gros capitaux pour des entreprises, sur gages mobiliers, fonciers avec cautions [fænus, p. 1214-1223][14]. Ils font aussi des avances et des prêts aux villes[15]. La loi sur l’abolition des dettes à Éphèse, en 86 av. J.-C.[16], ne change rien pour le règlement des opérations faites dans l’année, mais pour toutes celles qui sont antérieures, afin d’empêcher une crise financière et des banqueroutes, elle autorise les banquiers et leurs clients à s’acquitter respectivement de leurs dettes par paiements partiels en dix ans. Les banquiers servent de cautions à des entrepreneurs[17]. Ils rédigent des actes de toutes sortes, les gardent en dépôt[18], reçoivent des sommes litigieuses, des objets mobiliers, constituent presque des témoins officiels[19]. Mais surtout ils gèrent la fortune, font les affaires de leurs clients, leurs paiements et encaissements. À ce titre, ils paient en leur présence ; ils exécutent en leur absence leurs mandats de paiement écrits ou verbaux[20], sur leurs dépôts[21], à une tierce personne qui doit généralement alors leur être présentée par une personne connue[22] et quelquefois même, pour plus de sûreté, se faire reconnaître par un signe convenu, cachet, anneau, σύμβολον[23]. Ils inscrivent sur leurs registres le nom du déposant, la somme déposée, en marge l’indication de payer à un tel, accessoirement le nom de celui qui doit le présenter[24]. On à comptes individuels : sur une page du registre le nom du client, les sommes reçues ou recouvrées pour lui : en regard les remboursements, paiements effectués pour son compte : la situation respective du banquier et du client ressort ainsi de la comparaison entre le crédit et le débit : le règlement des comptes courants s’effectue par simple compensation entre le banquier et le déposant, par un simple virement entre le créancier et le débiteur quand ils ont le même banquier[25]. Dans les contrats exécutoires de prêt faits à la ville d’Arcésiné d’Amorgos, il y a la clause à ordre ordonnant le paiement à toute personne qui présentera le billet au nom du créancier, probablement par l’intermédiaire d’un banquier ; mais il n’y a pas la clause au porteur[26] ; la créance reste personnelle. Pour éviter les déplacements d’argent, les banquiers délivrent, moyennant le dépôt de la somme équivalente, des lettres de crédit, avec ou sans marque de reconnaissance, sur des correspondants établis dans d’autres villes[27], souvent probablement sur leurs hôtes[28] ; mais ils n’ont pas encore créé la vraie lettre de change. Le paiement fait en banque est la διαγραφή (perscriptio[29], mot qui désigne à la fois la transcription d’un compte sur un autre, l’inscription d’un mandat de payer, la pièce même constatant le paiement[30]. Toutes ces opérations se sont transmises aux argentarii romains.

2o Banques des temples. — Les principaux temples de la Grèce ont utilisé leurs capitaux propres [prosodoi, p. 706] et aussi les dépôts considérables et sans intérêt qu’ils recevaient[31], en les prêtant comme de véritables banquiers, sur hypothèques, avec cautions, soit aux villes, soit aux particuliers. On peut citer Delphes, Amorgos, Olympie[32], Éphèse[33], Délos[34], Athènes, [prosodoi, p. 708].

3o Banques publiques. — À partir du ive siècle av. J.-C., avec la concentration des services et des pouvoirs financiers, apparaît presque partout la banque publique, δημόσια τράπεζα, chargée de l’encaissement des recettes et du paiement des dépenses. On la trouve à Sinope[35] : à Abdère[36] : à Lampsaque[37] : à Temnos[38] ; à Ténos ; à Cyzique[39] ? ; à Ilion, où elle revoit en dépôt de l’argent sacré avec un intérêt de dix pour cent versé par l’État ; probablement à Cos[40] ; à Naxos[41] : à Délos, à l’époque romaine[42] ; à Athènes, où elle a peut-être comme direc-

  1. Stob. Serm. 97, 31 : Dem. 52.6 ; 36, 5, 11 et 43, 31 (où Phormion a pris à bail de Pasion la banque et les dépôts).
  2. Aristote (l. c. 52, 2) prouve l’existence de la δίκη, ἀφορμῆς qui fait partie des actions mensuelles.
  3. Plut. Cons. ad Apoll. 28, 116 B : d’où le nom des déposants θεμαιτῖται Dittenberger. l. c. 329, 60).
  4. Anthol. Pal. 9, 435 ; , Tab. 31, 4.
  5. Plaut. Curc. 4, 1. 480 : « qui dant quique accipiunt faenore ».
  6. Dem. 33, 10 : Isocr. 17, 2.
  7. Hypothèse de Dareste.
  8. Bull. de corr. hell. 2, 570 : 6, 74 (Délos).
  9. Dem. 49, 58, 59 ; 36, 18, 19 ; Plut. de vit. aer. al. , 829 c.
  10. Isocr. 17, 2, 59.
  11. Dem. 49, 17, 33 ; Isocr. 17, 12.
  12. Poll. 6, 84 ; 7, 103, 170 ; 9, 51, 9, 51 ; Hermes, 7, 1873. p. 35, no 7. Le mot ὀβολοστᾶτης désigne surtout l’usurier ; Aristot. Pol. 1, 3, 23 ; Aristoph. Nub. 1155 ; Lucian. Nekyom. 2 ; Hesych. Etym. magn. s. v.
  13. Poll. l. c. Theophr. Char. 30 ; Athen. 6, 2256 ; Lucian. Hist. conscr. 10 ; Corp. inscr. gr. 10 ; Theocr. 12, 36.
  14. Dem. 33, 7 ; 36, 5 ; 19, 31 ; 53, 9 ; Plut. Arat. 18-19 ; Isocr. 17, 17 38 ; 329, 45-64.
  15. Dittenberger, l. c. 226, 14 (à Olbia) ; 285 : Inst. gr. 12, 5, 2, 817 ; Dem. 36, 57 : Corp. inscr. gr. 2335 (décret de Ténos en l’honneur d’Antidius Bassius).
  16. Recueil des Inscr. juridiques grecques, I, IV, 22 (Dittenberger, l. c. 329, 55-64.
  17. Dittenberger, l. c. 688 (Épidaure).
  18. Dem. 47, 51 : 35, 15, 34, 6 ; Plut. de falso pud. 10 ; Lac. in Leocr. 23.
  19. Dem. 49, 31 ; Corp. inscr. gr. 1569.
  20. Diog. La. 6, 8, 88. Sur ce mandatum, C. Just. 4, 35, 7.
  21. Plut. Arat. 18-19 : Dittenberger, 141 (remboursement fait à Delphes par les Phoridiens par une banque).
  22. Dem. 52, 4.
  23. Plaut. Bacch. 2, 3, 28 : Curcul. 2, 3, 53, 66-69 ; 3, 4, 1-10, 421-440. Dans Lys. 19, 23, le symbolon, donné par le roi de Perse, sert à obtenir des prêts.
  24. Dem. 52, 4.
  25. Rec. inscr. jur. gr. I no XIV, VIII c ; Philostr. vit. soph. 2. 1. 6 (compensation établie par le banquier d’Hérode Atticus entre les dettes des Athéniens envers Hérode Atticus et leur créance sur la succession de son père).
  26. Rec. inscr. jur. gr. I, no XV, A § 4, B § 7 (Dittenberger, 517).
  27. Plaut. Pers. 520 ; Cic. ad Att. 12, 24, 1 ; 15, 5 ; ad. div. 2, 16 ; Isocr. 17, 37 : sorte d’aval d’un banquier pour le paiement d’une lettre de crédit délivrée par son client à Athènes sur un particulier du Pont).
  28. Dem. 50, 18, 56 ; Plaut. Curcul. 421-436.
  29. Polyb. 32, 13, 7 ; Dem. 52, 4 ; Harp. διαφράγματος.
  30. Rec. inscr. jur. gr. I, no XIV, VIII c.
  31. Dio Chrys. 31, 54 (Éphèse) ; Thuc. 6, 20, 4 (Sélinonte) ; Plut. Lys. 18, 3 (Delphes) ; Cic. de leg. 2, 16, 4 ; Athen. 6, 233 ; Plaut. Bacch. 2, 3, 78 : Inscr. gr. antiq. 68.
  32. Thuc. 4, 121, 3 ; Isocr. 13, 232 ; Dem. 21, 144 : Ross. Inscr. ined. 2, 145 ; Rev. de philolog. 1904, 81.
  33. Anc. gr. inscr. Brit. Mus. 3, 846.
  34. Corp. inscr. gr. 158 ; Bull. de corr. hell. 4, 238 ; 6, 1 ; 8, 282 ; 14, 389 ; 15, 113 ; 34, 122-186. V. Homolle, Les archives de l’intendance sacrée à Délos, Paris, 1887.
  35. Diog. La. 6, 2, 20 ; Lucian. Bis acc. 13, 24.
  36. Dittenberger, 303.
  37. Corp. inscr. gr. add. 3641 b, 15.
  38. Cic. pro Flacc. 19, 44 (quatre mensarii publics).
  39. Corp. inscr. gr. 203, 206, 3633, 3679.
  40. Dittenberger, 940, 19-21 (soit banquiers publics gérant une caisse de temple, soit banquiers privés astreints à faire des sacrifices).
  41. Bull. de corr. hell. 21, 21.
  42. Ins. gr. 2, 985 D, 10 E. 57 ; Corp. inscr. gr. 2092 ; Bull. de corr. hell. 6, 1, 8, 71-74 ; 2, 570, 574, 1, 50-51 ; 6, 71 ; 4, 221. D’après Francotte, Les finances des cités grecques, p. 140-141. Les banquiers auraient succédé aux percepteurs des différentes recettes qui auraient été les διρικετοί.