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Page:Dictionnaire pratique et historique de la musique.pdf/88

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ploi de cordes de boyau, soit comme Richard, de Paris (1620), en habillant de petits morceaux de drap les becs de plume. Il n’y eut sur ce point de changement sensible qu’en 1768, par l’invention de Pascal Taskin, qui remplaça les becs de plume par de petites pièces de cuir de buffle, durcies dans l’huile. Ce procédé, qui imprimait aux cordes une secousse moins sèche, fut appliqué à d’anciens instruments réparés et à des instruments neufs, par Œsterlein, à Berlin, depuis 1773, et par Érard, à Paris, depuis 1776.

Les progrès réalisés quant à l’étendue du clavier avaient été plus rapides. À la fin du xviie s., Nicolas Dumont, facteur français, construisait des Cl. dits « à ravalement », parce que leur clavier descendait d’une quinte « en aval » de celui des instruments similaires, et comprenait par conséquent jusqu’à 5 octaves. Beaucoup d’autres inventions se produisaient, qui n’étaient pas appelées à survivre. Prætorius (1619) parle d’un Cl. dont les cordes, au nombre de 4 par touche, étaient accordées comme les tuyaux d’un jeu de mixture et sonnaient, 1, la fondamentale, 2, l’unisson, 3, la quinte, 4, l’octave. Philippe Denis exposait à Paris (1712) un Cl. à 4 claviers, « savoir deux à chaque bout », destiné à ceux qui veulent jouer des pièces à un bout et les accompagner à l’autre ». On essaya de Cl. à roues ou à archets circulaires, attaquant les cordes par frottement, puis de Cl. munis de jeux de flûte et dits « organisés ». Le Cl. perpendiculaire de Despinois (1763) et le Cl. vertical de Obert (même année) étaient des reproductions agrandies de l’ancien clavicitherium, depuis deux siècles tombé en oubli. On cite encore le celestina harpsichordi de W. Southwell de Dublin (1779), qui eut un certain succès pendant quelques années. Le Cl. à marteaux, inventé dans le commencement du xviiie s. et qui devait, cent ans plus tard, acquérir l’unique suprématie sous le nom de piano-forte, procède du clavicorde, non du clavecin. (Voy. Clavicorde, Piano.) On ne doit pas omettre de rappeler l’importance donnée par les facteurs à la décoration extérieure d’instruments destinés souvent à orner les appartements de nobles et riches amateurs. D’intéressants exemplaires de la facture ancienne n’ont dû d’être conservés qu’aux peintures dont d’excellents artistes avaient revêtu leur caisse. Afin de permettre aujourd’hui la reconstitution fidèle des concerts d’autrefois, les grandes manufactures de pianos, Érard, Pleyel, Gaveau, etc., ont ajouté à leur industrie la fabrication des Cl. Pendant une période de près de trois siècles, le Cl. a tenu dans la pratique musicale un rôle d’une importance extrême.
Clavecin avec peintures (époque Louis xv.
Non seulement toutes les œuvres des virtuoses clavecinistes, depuis le milieu du xvie s. jusqu’après la mort de J.-S. Bach (1750) et de Rameau (1764), lui ont été destinées (puisque la vogue du clavicorde et du Cl. à marteaux ne s’est établie qu’avec Emm. Bach et Mozart), mais il a tenu, auprès du luth et du théorbe tout d’abord, puis seul auprès de l’orgue, l’emploi alors essentiel de la basse continue. Sauf, jusqu’à un certain point, en France, on ne concevait pas une exécution de musique de chambre, de concert, de théâtre et même d’église, sans Cl. Les Allemands surtout s’expriment catégoriquement à ce sujet. C’est au Cl. que s’asseyait le chef d’orchestre. C’est autour du Cl. que se groupaient les instruments choisis du « petit chœur ». Lorsque, dans les exécutions de musique ancienne, on le remplace aujourd’hui par le piano, la sonorité de l’ensemble se trouve dénaturée. Les défauts qui ont à la longue fait abandonner le Cl., sa sécheresse, sa froideur, la presque impossibilité d’obtenir des nuances d’intensité, hormis les effets d’écho résultant de l’opposition de deux claviers, avaient contribué à la création d’un style spécial de composition, dans lequel furent produits des chefs-d’œuvre, car ces défauts, que Couperin lui-même reconnaissait en partie, étaient, selon son jugement, compensés par autant d’avantages : « la précision, la netteté, le brillant ». Pour leur mise en valeur, une attaque impeccable, une finesse de détails