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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, I.djvu/87

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ESSAI
SUR
LE MÉRITE ET LA VERTU




LIVRE PREMIER.


PARTIE PREMIÈRE.


SECTION I.


La religion et la vertu sont unies par tant de rapports, qu’on les regarde communément comme deux inséparables compagnes. C’est une liaison dont on pense si favorablement, qu’on permet à peine d’en faire abstraction dans le discours et même dans l’esprit. Je doute cependant que cette idée scrupuleuse soit confirmée par la connaissance du monde ; et nous ne manquons pas d’exemples qui paraissent contredire cette union prétendue. N’a-t-on pas vu des peuples qui, avec tout le zèle imaginable pour leur religion, vivaient dans la dernière dépravation et n’avaient pas ombre d’humanité ; tandis que d’autres, qui se piquaient si peu d’être religieux, qu’on les regarde comme de vrais athées, observaient les grands principes de la morale, et nous ont arraché l’épithète de vertueux, par la tendresse et l’affection généreuse qu’ils ont eues pour le genre humain. En général, on a beau nous assurer qu’un homme est plein de zèle pour sa religion, si nous avons à traiter avec lui, nous nous informons encore de son caractère. « M*** a de la religion, dites-vous ; mais