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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/120

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pres volontés. Écoutez donc la nature, elle ne se contredit jamais.

« Ô vous ! dit-elle, qui, d’après l’impulsion que je vous donne, tendez vers le bonheur dans chaque instant de votre durée, ne résistez point à ma loi souveraine. Travaillez à votre félicité ; jouissez sans crainte, soyez heureux ; vous en trouverez les moyens écrits dans votre cœur. Vainement, ô superstitieux ! cherches-tu ton bien-être au delà des bornes de l’univers où ma main t’a placé. Vainement le demandes-tu à ces fantômes inexorables que ton imagination veut établir sur mon trône éternel ; vainement l’attends-tu dans ces régions célestes que ton délire a créées ; vainement comptes-tu sur ces déités capricieuses dont la bienfaisance t’extasie, tandis qu’elles ne remplissent ton séjour que de calamités, de frayeurs, de gémissements, d’illusions. Ose donc t’affranchir du joug de cette religion, ma superbe rivale, qui méconnaît mes droits ; renonce à ces dieux usurpateurs de mon pouvoir pour revenir sous mes lois. C’est dans mon empire que règne la liberté. La tyrannie et l’esclavage en sont à jamais bannis ; l’équité veille à la sûreté de mes sujets ; elle les maintient dans leurs droits ; la bienfaisance et l’humanité les lient par d’aimables chaînes ; la vérité les éclaire, et jamais l’imposture ne les aveugle de ses sombres nuages.

« Reviens donc, enfant transfuge ; reviens à la nature ! Elle te consolera, elle chassera de ton cœur ces craintes qui t’accablent, ces inquiétudes qui te déchirent, ces transports qui t’agitent, ces haines qui te séparent de l’homme que tu dois aimer. Rendu à la nature, à l’humanité, à toi-même, répands des fleurs sur la route de la vie ; cesse de contempler l’avenir ; vis pour toi, vis pour tes semblables ; descends dans ton intérieur ; considère ensuite les êtres sensibles qui t’environnent et laisse là ces dieux qui ne peuvent rien pour ta félicité. Jouis, et fais jouir des biens que j’ai mis en commun pour tous les enfants également sortis de mon sein ; aide-les à supporter les maux auxquels le destin les a soumis comme toi-même. J’approuve tes plaisirs lorsque, sans te nuire à toi-même, ils ne seront point funestes à tes frères, que j’ai rendus nécessaires à ton propre bonheur. Ces plaisirs te sont permis, si tu en uses dans cette juste mesure que j’ai fixée moi-même. Sois donc heureux, ô homme ! La nature t’y convie, mais souviens-toi que tu ne peux l’être tout seul ; j’invite au bonheur tous les mortels ainsi que