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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/159

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claire et intelligible : mais n’allez pas croire au moins que c’est par la bouche qu’elles parleront.

— Et par où donc, ventre-saint-gris ! s’écria Mangogul, parleront-elles donc ?

— Par la partie la plus franche qui soit en elles, et la mieux instruite des choses que vous désirez savoir, dit Cucufa ; par leurs bijoux.

— Par leurs bijoux, reprit le sultan, en s’éclatant de rire : en voilà bien d’une autre. Des bijoux parlants ! cela est d’une extravagance inouïe.

— Mon fils, dit le génie, j’ai bien fait d’autres prodiges en faveur de votre grand-père ; comptez donc sur ma parole. Allez, et que Brahma vous bénisse. Faites un bon usage de votre secret, et songez qu’il est des curiosités mal placées. »

Cela dit, le cafard hochant de la tête, se raffubla de son capuchon, reprit ses chats-huants par les pattes, et disparut dans les airs.

CHAPITRE V.

dangereuse tentation de mangogul.

À peine Mangogul fut-il en possession de l’anneau mystérieux de Cucufa, qu’il fut tenté d’en faire le premier essai sur la favorite. J’ai oublié de dire qu’outre la vertu de faire parler les bijoux des femmes sur lesquelles on tournait le chaton, il avait encore celle de rendre invisible la personne qui le portait au petit doigt. Ainsi Mangogul pouvait se transporter en un clin d’œil en cent endroits où il n’était point attendu, et voir de ses yeux bien des choses qui se passent ordinairement sans témoin ; il n’avait qu’à mettre sa bague, et dire : « Je veux être là » ; à l’instant il y était. Le voilà donc chez Mirzoza.

Mirzoza qui n’attendait plus le sultan, s’était fait mettre au lit. Mangogul s’approcha doucement de son oreiller, et s’aperçut à la lueur d’une bougie de nuit, qu’elle était assoupie. « Bon, dit-il, elle dort : changeons vite l’anneau de doigt, reprenons notre forme, tournons le chaton sur cette belle dormeuse, et réveillons un peu son bijou… Mais qu’est-ce qui m’arrête ? je tremble… se pourrait-il que Mirzoza… non, cela n’est pas