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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/161

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— Cela peut être, reprit Mangogul ; mais à présent que je vois tout le danger que j’ai couru, je vous jure par la Pagode éternelle, que vous serez exceptée du nombre de celles sur lesquelles je tournerai ma bague. »

Mirzoza prit alors un air assuré, et se mit à plaisanter d’avance aux dépens des bijoux que le prince allait mettre à la question.

« Le bijou de Cydalise, disait-elle, a bien des choses à raconter ; et s’il est aussi indiscret que sa maîtresse, il ne s’en fera guère prier. Celui d’Haria n’est plus de ce monde ; et Votre Hautesse n’en apprendra que des contes de ma grand-mère. Pour celui de Glaucé, je le crois bon à consulter : elle est coquette et jolie.

— Et c’est justement par cette raison, répliqua le sultan, que son bijou sera muet.

— Adressez-vous donc, repartit la sultane, à celui de Phédime ; elle est galante et laide.

— Oui, continua le sultan ; et si laide, qu’il faut être aussi méchante que vous pour l’accuser d’être galante. Phédime est sage ; c’est moi qui vous le dis ; et qui en sais quelque chose.

— Sage tant qu’il vous plaira, reprit la favorite ; mais elle a de certains yeux gris qui disent le contraire.

— Ses yeux en ont menti, répondit brusquement le sultan ; vous m’impatientez avec votre Phédime : ne dirait-on pas qu’il n’y ait que ce bijou à questionner ?

— Mais peut-on sans offenser Votre Hautesse, ajouta Mirzoza, lui demander quel est celui qu’elle honorera de son choix ?

— Nous verrons tantôt, dit Mangogul, au cercle de la Manimonbanda (c’est ainsi qu’on appelle dans le Congo la grande sultane). Nous n’en manquerons pas si tôt, et lorsque nous serons ennuyés des bijoux de ma cour, nous pourrons faire un tour à Banza : peut-être trouverons-nous ceux des bourgeoises plus raisonnables que ceux des duchesses.

— Prince, dit Mirzoza, je connais un peu les premières, et je peux vous assurer qu’elles ne sont que plus circonspectes.

— Bientôt nous en saurons des nouvelles : mais je ne peux m’empêcher de rire, continua Mangogul, quand je me figure l’embarras et la surprise de ces femmes aux premiers mots de