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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/423

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la sultane.

Et pourquoi ?

la seconde femme.

« Je n’avais garde, dit le prince, de me fier à Serpilla, et cela sous les yeux de la fée, qui nous aurait devinés d’abord, et qui ne m’aurait jamais pardonné cette intrigue. Azéma fut désolée de mon silence, mais elle ne se plaignit pas. Sa méchante amie se fit un mérite auprès d’elle de la démarche hardie qu’elle avait faite pour la servir, et Azéma l’en remercia sincèrement. Rousch ne fut pas si scrupuleux que moi ; on dit qu’il tira parti de Serpilla. Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’on remarqua de la liaison entre eux, et qu’ils formèrent avec Lubrelu une espèce de triumvirat qui mit en fort peu de temps la cour de la fée sens dessus dessous. On s’évitait, on ne se parlait plus ; c’étaient des caquets et des tracasseries sans fin ; on se boudait sans savoir pourquoi, et la fée en était de fort mauvaise humeur. »

la sultane.

C’est, en vérité, comme ici ; et je croirais volontiers que ce triumvirat subsiste dans toutes les cours.

la seconde femme.

« La fée fit publier pour la centième fois les anciennes lois contre la calomnie ; elle défendit de hasarder des conjectures sur la réputation d’un ennemi, même sur celle d’un méchant notoire, sous peine d’être banni de sa cour ; elle redoubla de sévérité ; et s’il nous arrivait quelquefois de médire, elle nous arrêtait tout court, et nous demandait brusquement : « Est-ce à vous que le fait est arrivé ? Ce que vous racontez, l’avez-vous vu ? » Elle était rarement satisfaite de nos réponses. Elle m’interdit une fois sa présence pendant quatre jours, pour avoir assuré une aventure arrivée au Tongut tandis que j’y étais, mais à laquelle je n’avais eu aucune part, et que je n’avais apprise que par le bruit public.

« Malgré les défenses de Vérité, Lubrelu avait toutes les peines du monde à se contenir. Il lui échappait à tout moment des choses peu mesurées qui offensaient moins de sa part que d’une autre, parce qu’il y avait, disait-on, dans son fait plus de sottise et d’étourderie que de méchanceté : il croyait parler sans conséquence, en disant hautement que j’étais bien avec la tante, et passablement avec la nièce ; qu’il y avait entre nous un