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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/446

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la fée l’a rendu tout joli ; il a des mutineries tout à fait amusantes. Il veut tout ce qu’il voit ; il crie à désespérer ses gouvernantes, jusqu’à ce qu’il soit satisfait ; il casse, il brise, il mord, il égratigne ; la fée a défendu qu’on le contredît sur quoi que ce soit. »

Ici le député se mit à sourire.

« De quoi souriez-vous ? lui dit le prince.

— D’une de ses espiègleries.

— Quelle est-elle ?

— Un soir, qu’on était sur le point de servir, il lui prit en fantaisie de pisser dans les plats ; et on le laissa faire. Le moment suivant, il voulut que sa marraine lui montrât son derrière, et il fallut le contenter. Il ne s’en tint pas là… »

la sultane.

Le moment suivant, il voulut qu’elle le montrât à tout le monde.

le premier émir.

C’est ce que le député ajouta. « Allez, vieux fou, lui repartit le prince ; vous ne savez ce que vous dites. Cet enfant est menacé de n’être qu’un écervelé, et d’en avoir l’obligation à sa marraine. Il vaudrait encore mieux qu’il fût chez sa grand-mère. Je vous ordonne sur votre longue barbe, que je vous ferai couper jusqu’au vif, de le retenir la première fois que Coribella l’enverra chez nos vierges, qui achèveraient de le gâter. »

Cela dit, l’audience finit ; le député fut congédié et les enfants distribués en différents appartements du palais. Mais à peine Lively fut-elle instruite de leur arrivée et de l’absence de son fils, qu’elle en poussa des cris à tourner la tête à tous ceux qui l’approchaient. Il fallut du temps pour l’apaiser ; et l’on n’y réussit que par l’espérance qu’on lui donna qu’il reviendrait. Dès ce jour, le prince ajouta aux soins de l’empire et aux devoirs d’époux ceux de père.

Lorsqu’il sortait du conseil, la tête remplie des affaires d’état, il allait chercher de la dissipation chez Lively. Il paraissait à peine, qu’elle était dans ses bras. Sa conversation légère et badine l’amusait beaucoup. Son enjouement et ses caresses lui dérobaient des journées entières, et lui faisaient oublier l’univers. Il ne s’en séparait jamais qu’à regret. Il prenait auprès