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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/489

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officier retiré du service : encore avez-vous vu les couleurs qu’on a voulu donner à cette action, jusqu’à mander à la cour que je tirais parti du logement que le roi me donne.

moi.

Mais, en effet, comment faire ? Si la bienfaisance est connue, elle perd son prix ; si elle est inconnue, on la calomnie.

mon père

On la calomnie ; et qu’importe ?

moi.

Si le riche renferme ses richesses dans ses coffres, c’est un avare qu’on méprise ; s’il les dissipe, c’est un insensé.

mon père

L’une et l’autre de ces extrémités seraient, en effet, blâmables ; mais souvent on les suppose légèrement. Croyez-vous que celui qui mépriserait tout faste et placerait ses richesses en actions honnêtes ne se ferait pas un caractère plus distingué parmi les hommes et ne leur apprendrait pas, à la longue, combien les idées qu’ils ont de la considération sont fausses et petites ?

moi.

Peut-être ; mais un seul riche ne peut pas non plus secourir tous les indigents.

mon père

D’accord.

moi.

Il me paraît très-difficile alors de renfermer son devoir à cet égard dans des bornes irrépréhensibles. À qui doit-on donner, et combien doit-on donner ?

mon père

Il faut secourir le pauvre. J’appelle ainsi celui qui, par quelque cause insurmontable, n’a pas de quoi satisfaire ses besoins absolus ; car je ne veux pas qu’on encourage la débauche et la fainéantise. Quant à votre question, n’est-il pas vrai que si toute la somme de la misère publique était connue, ce serait exactement la dette de toute la richesse nationale ?

moi.

J’entends.