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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/238

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Scène VIII


SAINT-ALBIN, LE COMMANDEUR.
Saint-Albin.

Parlez donc, monsieur, je vous écoute… Si c’est un malheur que de l’aimer, il est arrivé, et je n’y sais plus de remède… Si on me la refuse, qu’on m’apprenne à l’oublier… L’oublier !… Qui ? elle ? moi ? je le pourrais ? je le voudrais ? Que la malédiction de mon père s’accomplisse sur moi, si jamais j’en ai la pensée !

Le Commandeur.

Qu’est-ce qu’on te demande ? de laisser là une créature que tu n’aurais jamais dû regarder qu’en passant ; qui est sans bien, sans parents, sans aveu, qui vient de je ne sais où, qui appartient à je ne sais qui, et qui vit je ne sais comment. On a de ces filles-là. Il y a des fous qui se ruinent pour elles ; mais épouser ! épouser !

Saint-Albin, avec violence.

Monsieur le Commandeur !…

Le Commandeur.

Elle te plaît ? Eh bien ! garde-la. Je t’aime autant celle-là qu’une autre ; mais laisse-nous espérer la fin de cette intrigue, quand il en sera temps. (Saint-Albin veut sortir.) Où vas-tu ?

Saint-Albin.

Je m’en vais.

Le Commandeur, en l’arrêtant.

As-tu oublié que je te parle au nom de ton père ?

Saint-Albin.

Eh bien ! monsieur, dites. Déchirez-moi, désespérez-moi ; je n’ai qu’un mot à répondre. Sophie sera ma femme.

Le Commandeur.

Ta femme ?

Saint-Albin.

Oui, ma femme.