Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

choses pareilles, ont toujours été des raisons ou des prétextes de délai.

CHARLOTTE.

Des raisons, et les seules que j’eusse. Après, s’il vous plaît.

LEUSON.

Je vais.

CHARLOTTE.

J’attends.

LEUSON.

Une promesse telle que celle que vous m’avez faite, aussi libre, aussi peu contrainte, peut engager aux yeux du monde, mais non pas aux miens.

CHARLOTTE.

Et vous me la rendez ?

LEUSON.

Quelle vivacité !

CHARLOTTE.

De la vivacité ; je n’en mets à rien. Me voilà tranquille… oui, on ne peut plus tranquille. Mais arrivez, s’il vous plaît.

LEUSON.

Que sais-je ? le temps, les circonstances, plus de liaison, plus d’intimité, ont pu vous éclairer sur mes défauts et vous faire regretter votre promesse. Si, par malheur, cela était, j’en souffrirais sans doute ; mais je vous la rendrais sans balancer, mademoiselle ; il le faudrait bien. Voici donc la question que j’avais à vous faire, et à laquelle je vous supplie de répondre avec toute votre franchise accoutumée. Avez-vous quelque regret à la parole que vous m’avez donnée ?

CHARLOTTE.

Arrêtez, monsieur : celui qui me suppose inconstante est fait pour me trouver telle. Pourquoi doutez-vous de moi ?

LEUSON.

Je ne doute point de vous ; mais je me rends justice. J’ai des défauts, et vous avez pu les apercevoir. Si, sur un mot, une action, un tour d’esprit, un coin de mon caractère, je vous avais déplu, et que vous vous fussiez dit au fond du cœur que peut-être je vous convenais moins que vous n’aviez imaginé ; tout est fini, mademoiselle, et vous êtes libre.