Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/533

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MADAME BEVERLEY.

Pourquoi vous accuser ?

BEVERLEY.

Mon âme en répondra… Hélas ! si Jarvis ne m’eût point quitté, il est sûr que j’aurais pu vivre… Mais pressé par le crime et par le remords… jeté dans une prison… tourmenté de votre douleur… vous voyant livrée par moi à toutes les horreurs de la misère, ma tête s’est troublée… j’ai désespéré… Il s’est éloigné… j’ai corrompu le garde qu’il m’avait donné… j’ai pris du poison…

MADAME BEVERLEY.

Ô ciel ! du poison !

CHARLOTTE.

Le malheureux ! qu’a-t-il fait !

BEVERLEY.

Un crime… Je vais être jugé… Ma douleur s’apaise ; ma fin s’approche… le ciel m’a entendu… J’ai désiré un moment de relâche, et je l’obtiens… Ah, si le repentir pouvait encore… Inclinez-moi, prosternez-moi. Que je prie pour vous, pour moi. (On le penche et on le soutient.) Dieu puissant qui m’as créé, entends ma voix. J’ai failli par faiblesse ; je me suis détruit par lâcheté. Si tu n’as point de rémission pour cette faute, satisfais ta justice ; me voilà soumis. Mais si tu es le Dieu de la miséricorde. si tu ne m’as pas destiné à deux vies malheureuses, fais luire dans cette âme un rayon d’espoir ; console-moi, tranquillise mes derniers instants. Regarde aussi dans ta commisération ces malheureux qui m’entourent. J’ai causé leur douleur : accepte-la en expiation. Rends leurs jours paisibles et leur fin heureuse… Relevez-moi…

MADAME BEVERLEY.

Ciel ! rendez-le-moi. Dieu puissant, étends ta main ; arrache-le du tombeau. Sauve-le, sauve-le.

BEVERLEY.

Mon amie, vous demandez en vain… La mort m’entraîne… mais le ciel est propice. J’ai espère un rayon d’espoir ; un signe de pardon, une lueur consolante qui m’éclairât et me soutint dans la nuit éternelle où je vais entrer… Il a brillé… Je suis