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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VII.djvu/97

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DORVAL ET MOI PREMIER ENTRETIEN Ce jour, Dorval avait tenté sans succès de terminer une affaire qui divisai ! depuis longtemps deux familles du voisinage, et qui pouvait ruiner l’une et l’autre. Il en était chagrin, et je vis que la disposition de son âme allait répandre une teinte obscure sur notre entretien. Cependant je lui dis : « Je vous ai lu ; mais je suis bien trompé, ou vous ne vous êtes pas attaché à répondre scrupuleusement aux intentions de monsieur votre père. Il vous avait recommandé, ce me semble, de rendre les choses comme elles s’étaient passées ; et j’en ai remarqué plusieurs qui ont un caractère de fiction qui n’en impose qu’au théâtre, où l’on dirait qu’il y a une illusion et des applaudissements de convention. <( D’abord, vous vous êtes asservi à la loi des unités. Cepen- dant il est incroyable que tant d’événements se soient passes dans un même lieu ; qu’ils n’aient occupé qu’un intervalle de vingt-quatre heures, et qu’ils se soient succédés dans votre histoire, comme ils sont enchaînés dans votre ouvrage. DORVAL. Vous avez raison. Mais si le l’ait a duré quinze jours, croyez- vous qu’il fallût accorder la même durée à la représentation ? Si les événements en ont été séparés par d’autres, qu’il était à propos de rendre cette confusion ? Et s’ils se sont passés en dif- férents endroits de la maison, que je devais aussi les répandre sur le même espace ? Les lois des trois unités sont difficiles à observer ; mais elles sont sensées.