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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/114

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et que vous vous occupez tous les jours à réparer ce que l’âge vous enlèvera, par des qualités solides qui vous resteront malgré le temps et les années ; un grand sens, une belle âme, un cœur noble, sensible et élevé, tels que l’ont mes deux sœurs, est exempt de rides, si elles atteignent un âge avancé. Combien leur présence rappellera de bons discours et de bonnes actions à ceux qui les auront connues ! mais il n’en sera pas de même pour les autres : voilà la différence du rôle qu’on a fait pendant la vie. Le nôtre est public. Domestique, il est présumé ; au lieu qu’on suppose qu’une femme a vécu sans rien faire, si l’on n’en est instruit. J’ai dit. Décidez.

Ne dites point de mal de mes libraires, ils font tout ce que j’ai exigé. Voilà l’équité qu’il faut attendre de tout le monde. La générosité consisterait à aller au delà. Reste à savoir si on en peut exiger d’un homme dans son état, d’un marchand dans son comptoir, d’un procureur dans son étude, d’un libraire dans sa boutique ; c’est là qu’il vend son temps, son industrie, son savoir-faire, et qu’il doit en tirer le meilleur parti possible, s’il veut qu’on l’appelle bon commerçant, bon procureur, bon libraire.

Un homme s’est avisé de faire et de publier une mauvaise traduction du Joueur, qui, loin de me nuire, fait au contraire désirer la mienne, qui paraîtra avec Miss Sara Sampson, la Fatale Curiosité, le Marchand de Londres, et d’autres pièces qui se ressemblent et que je donnerai avec des discours qui vaudront peut-être la peine d’être lus[1].

Vous n’avez pas encore cette sœur si aimée, si désirée, si nécessaire à votre bonheur, et qui le sait ! qu’est-ce donc qui la retient ? Si elle n’est pas à côté de vous, elle est aussi fâchée que vous.

Ce n’est pas assez que de faire lire le jeune homme, il faut aussi le faire parler sur la lecture, qui en deviendra pour vous et pour lui plus instructive et plus intéressante. Au reste, n’accusez pas trop les parents ; c’est Nature qui avait commencé par ne rien faire qui vaille ; ils ont achevé. Je pardonne au père son libertinage, mais je ne saurais lui pardonner son hypocrisie ; la vilaine bête que c’est ! Et puis cet enfant, qui cherche à

  1. Voir le Joueur, t. VII, p. 411, et pour les autres pièces la note de la p. 434, t. VIII.