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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/140

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bien passé. Dans leur partage, il n’a rien demandé, mais l’autre lui a tout fourré.

J’étais invité aujourd’hui d’aller au Grandval avec Suard et Damilaville. J’ai refusé cette partie où j’aurais fait un rôle que vous devinez bien. Suard n’a jamais vu Mme d’Aine.

Nous allons demain à Marly. Je ne sais si je vous ai dit que nous avions été, il y a quinze jours ou environ, à Meudon : c’est un assez bel endroit que je ne connaissais pas.

Je vais vous donner jusqu’au commencement du mois d’octobre, que je me renferme pour travailler à des besognes qui languissent, et m’occuper un peu de l’éducation de ma petite fille. La mère, qui n’en sait plus que faire, permet enfin que je m’en mêle.

Il y a bientôt un mois que je me propose de vous demander si M. de Neufond a fait le voyage de province qu’il se proposait et, dans le cas que cela soit, si son porte-manteau était bien pourvu de linge.

Il vient de m’arriver une chose qui me donnera une circonspection nuisible à une infinité de pauvres diables de toute espèce qui affluaient ici, que je recevais, et qui vont trouver ma porte fermée.

Parmi ceux que le hasard et la misère m’avaient adressés, il y en avait un appelé Glénat, qui savait des mathématiques, qui écrivait bien et qui manquait de pain[1]. Je faisais le possible pour le tirer de presse. Je lui mandais des pratiques de tous côtés ; s’il venait à l’heure du repas, je le retenais ; s’il manquait de souliers, je lui en donnais ; je lui donnais aussi de temps en temps la pièce de vingt-quatre sous. Grimm, Mme d’Épinay, Damilaville, le Baron, tous mes amis s’intéressaient à lui. Il avait l’air du plus honnête homme du monde, il supportait même son indigence avec une certaine gaieté qui me plaisait. J’aimais à causer avec lui, il paraissait faire assez peu de cas de la fortune, des honneurs, et de la plupart des prestiges de la vie. Il y a sept ou huit jours que Damilaville m’écrivit de lui envoyer cet homme, pour un de mes amis qui avait un manus-

  1. C’est sans doute l’auteur des deux ouvrages mentionnés par Quérard sous ce nom : Du Bonheur de la vie, 1754, in-12 ; Contre les craintes de la mort, 1757, in-12.