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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/148

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non plus que vous me rendiez pire que je ne suis ; et que, parce qu’une lettre de mon amie que j’attendais n’est pas venue, je fasse enrager tout ce qui m’entoure.

Mais est-ce que la construction de cette place de Reims et la construction de ce canal ne nous donneront pas des sommes immenses ? Uranie sera donc incessamment opulente ? Incessamment nous aurons donc toutes ces petites commodités voluptueuses si essentielles au bonheur, le sopha douillet, les gros oreillers, les vases de porcelaine, les parfums et les toiles de l’Inde ? Nous touchons donc le souverain bien de la main ?

M. Gaschon avait fait les offres du meilleur de son âme, et il était blessé qu’on n’y eût pas répondu.

Et pourquoi, s’il vous plaît, ne voulez-vous pas que ce soit moi qu’on ait choisi pour être le père de l’enfant en question ? Je n’ai point dit que c’était manquer à celle qu’on aimait que de lui demander son aveu. Je pense au contraire que ce serait lui manquer que de ne pas le lui demander.

Adieu, mon amie, je vous salue et vous embrasse de tout mon cœur ; il y a bien des moments où votre présence me serait nécessaire et douce.

Mille tendres respects à notre chère sœur ; rappelez-lui, toutes les fois qu’elle négligera sa santé, qu’elle manque à ses amis, et qu’il ne dépend que d’elle de me faire bien du mal. Mais je ne sais pourquoi je me suis nommé là et tout seul.


LXXXI


À Paris, le 26 septembre 1762.


Cette maladie-là a des vicissitudes prodigieuses, au milieu desquelles les forces et l’embonpoint disparaissent, et l’on est réduit à l’état fluet et transparent des ombres. Ce que je vois tous les jours de la médecine et des médecins ne me les fait pas estimer davantage. Naître dans l’imbécillité, au milieu de la douleur et des cris ; être le jouet de l’ignorance, de l’erreur, du besoin, des maladies, de la méchanceté et des passions ; re-