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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/236

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La Tendresse conjugale a déjà franchi les premiers degrés et se hâte d’aller saisir ce bras.

La Religion l’arrête, en lui montrant le ciel ; tandis qu’un grand enfant tout nu, sur lequel la Tendresse conjugale a tourné tendrement ses regards, la retient par un des pans de son vêtement.

L’enfant a la tête tournée vers le ciel et pousse des cris.

À quoi sert, s’il vous plaît, que ces gens-là souffrent dans leurs palais le gladiateur qui expire, Niobé, les enfants de Latone percés de traits, et le Laocoon déchiré par des serpents, s’ils en détournent leurs yeux ? Pour moi, voilà ce que j’appelle de la sculpture.

Mais il faut dissiper ces images tristes par quelque chose de gai. On disputait, il y a quelques jours, sur les vanités dont les hommes sont les plus entêtés. Quelqu’un prétendit qu’il n’y en avait aucune dont l’ivresse fût plus violente que celle de la vanité littéraire. Pour nous le prouver, il nous disait qu’à Rome les cardinaux ont des espions qui viennent leur rapporter tout ce qui se débite sur leur compte. Il faut supposer un de ces cardinaux à son bureau écrivant, et l’espion debout devant lui.


le cardinal.

Eh bien ! qu’est-ce qu’on dit ?

l’espion.

Seigneur, on dit… on dit…

le cardinal.

Vous plairait-il d’achever ? On dit …?

l’espion.

On dit que vous avez un page charmant qui se porte mal, et que c’est de votre faute.

le cardinal, continuant d’écrire.

Cela n’est pas vrai. C’est moi qui suis malade, et c’est de la sienne.

l’espion.

On ajoute que le cardinal un tel a voulu vous enlever ce page charmant, et que vous l’avez fait assassiner.