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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/356

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Pétersbourg, le 29 décembre 1773 ; c’est la veille du jour l’an. Le reste s’entend.


CXXXVII


La Haye, le 8 avril 1774.
Mesdames et bonnes amies,

Après avoir fait sept cents lieues en vingt-deux jours, je suis arrivé à La Haye, le 5 de ce mois, jouissant d’une très-bonne santé, et moins fatigué de cette énorme route que je ne l’ai quelquefois été d’une promenade. Je vous reviens comblé d’honneurs. Si j’avais voulu puiser à pleines mains dans la cassette impériale, je crois que j’en aurais été fort le maître ; mais j’ai mieux aimé faire taire les médisants de Pétersbourg et me faire croire des incrédules de Paris. Toutes ces idées qui remplissaient ma tête en sortant de Paris se sont évanouies pendant la première nuit que j’ai passé à Pétersbourg. Ma conduite en est devenue plus honnête et plus haute. N’espérant rien et ne craignant rien, j’ai pu parler comme il me plaisait. Quand aurons-nous la douceur de nous revoir ? Peut-être sous quinzaine ; peut-être aussi beaucoup plus tard. L’impératrice m’a chargé de l’édition des Règlements de ses nombreux et utiles établissements. Si le libraire hollandais est un arabe, à son ordinaire, je le plante là, et je viens imprimer à Paris. Si j’en puis obtenir un traitement raisonnable, je reste jusqu’à la fin de ce cette tâche qui ne sera pourtant pas éternelle. Quoique la saison ait été si belle que, soumise à nos ordres, elle ne l’aurait pas été davantage ; que nous ayons eu les plus belles journées et les routes les meilleures, cela n’a pas empêché que nous n’ayons laissé en chemin quatre voitures fracassées. Quand je me rappelle le passage de la Dwina, à Riga, sur des glaces entr’ouvertes d’où l’eau jaillissait autour de nous, qui s’abaissaient et s’élevaient sous le poids de notre voiture, et craquaient de tous côtés, je frémis encore de ce péril. J’ai pensé me briser un bras et une