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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/272

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ma réponse. J’ai craint qu’il ne fût imprimé à Pétersbourg. Voilà votre supposition. J’ai craint qu’ayant répondu à des derniers papiers que je vous remis en partant, votre tête bourrue n’y eût fourré des choses qui me déplussent, et c’est, à ce qu’on m’a dit, ce que vous avez fait. Mais encore une fois le diable m’emporte si j’en sais et même si j’en crois un mot. Moi, de l’humeur, pour des querelles pareilles ! Vous ne savez donc pas que pour une dispute un peu trop vive, survenue entre Grimm et moi, à l’occasion d’un endroit de la poétique du Père de Famille, je pris la poétique et les pièces et que je jetai le tout dans le feu ? J’ai chanté très-haut notre Solon, il est vrai, mais attendez et vous verrez combien de voix se joindront à la mienne. Vous voyez bien que je réponds à vos dernières lettres. À propos de notre Solon, il fait jouer à nos beaux esprits et à nos philosophes un rôle bien indécent. Ils sont devenus, par un travers de tête inconcevable, les défenseurs de la liberté de la presse et les détracteurs de l’évidence. Il semble qu’ils aient peur que les maîtres ne se croient pas suffisamment autorisés à les traiter comme des imposteurs, et à les faire étrangler comme des séditieux inutiles ou dangereux. Ces gens-là, qui jusqu’à ce jour se sont pompeusement entre appelés les précepteurs du genre humain, vont soutenant aujourd’hui que, quelques soins qu’ils se donnent à éduquer leur disciple, ils n’en feront jamais qu’un sot enfant.

Ô combien la vanité fait dire de sottises ! quelle est la bonne chose un peu durable qui ne se soit pas faite par l’évidence ? Ils crient : l’opinion est la reine du monde, et ils ôtent toute autorité à l’évidence qui n’est que l’opinion démontrée vérité. Parce qu’ils sont les créateurs de l’évidence, ils imaginent qu’ils sont juges compétents de sa force. Quelle bêtise ! C’est celui qui est frappé et non celui qui frappe qui est le vrai juge du coup. Or, ici qui est le frappé ? tous les apôtres du mensonge. Or, jugeons de la frayeur qu’ils ont de la vérité par les efforts qu’ils ont faits de tout temps pour l’étouffer, et jeter les peuples dans l’état d’ignorance et de stupidité. Ne dirait-on pas qu’un catéchisme politique et moral fût plus difficile à apprendre qu’un catéchisme religieux ? Ne dirait-on pas que si l’un était aussi populaire que l’autre, il n’y eût pas autant de danger à enfreindre l’un que l’autre? On parle beaucoup de